Jolis Pieds de Florence (Les)

Les copains, le boulot, les amours. Surtout les amours.

Côté boulot, Jérémie (une sorte de Duduche 2003) oeuvre chez Concept Video Games. Jean-Jacques rame dans la BD et Sandrine vend des viennoiseries au métro Robespierre. Et puis il y a Florence, qui tient l’accueil de Concept Video Games.

Côté amour, par un dimanche de pluie, Florence aborde Jérémie. Ça le trouble affreusement, car Florence a un truc qui le rend fou : ses pieds. Et aussi ses fesses quand elle se penche pour ranger des dossiers, mais surtout ses pieds.

Pourtant, rien n’est simple. Florence veut et Jérémie voudrait, mais Jérémie se noie dans ses maladresses pathétiques, jusqu’au moment où, enfin, il atterrit mort de trouille dans le lit de Florence. Et pourquoi voulait-elle tant sortir avec lui ? Parce qu’il est gentil et rigolo, et donc, capable de comprendre si elle lui dit qu’elle est frigide. Gros moment d’émotion : Jérémie ne sait pas ce que ça veut dire. Alors elle lui explique.

Désormais lancé dans la quête laborieuse de l’orgasme — Florence aimerait mieux qu’il la lâche, avec ses orgasmes —, Jérémie s’en va consulter le Pr Ollambébé, grand marabout de Barbès. Lequel gentil marabout lui livre une recette formidable, mais incomplète pour cause de descente de police assez brutale. (Ce qui nous vaudra une merveilleuse fin d’épisode.)

Il y a les amours des autres, aussi. Trop rapides pour Jean-Jacques ( » On a à peine parlé deux mots et paf « ) et jetables pour Sandrine ( » C’est ma faute, t’es génial, on reste amis « ), mais toujours touchantes.

Si on ajoute les galères de boulot, le hip-hop et les castagnes, on a le portrait d’une génération qui, comme les précédentes — mais avec son propre langage, hilarant de vérité — patauge dans la méthode  » erreurs et tâtonnements « . Le tout porté par un dessin craquant et un humour aussi percutant que sensible.

Si bien que Riad Sattouf (copain d’atelier de Sfar et Blain, lauréat du Prix Découverte au festival de Chambéry) confirme son talent avec une série qui s’annonce particulièrement novatrice et attachante.


Les esclaves oubliés de Tromelin

L’île des Sables, un îlot perdu au milieu de l’océan Indien dont la terre la plus proche est à 500 kilomètres de là… À la fin du XVIIIe siècle, un navire y fait naufrage avec à son bord une « cargaison » d’esclaves malgaches. Les survivants construisent alors une embarcation de fortune. Seul l’équipage blanc peut y trouver place, abandonnant derrière lui une soixantaine d’esclaves.

Les rescapés vont survivre sur ce bout de caillou traversé par les tempêtes. Ce n’est que le 29 novembre 1776, quinze ans après le naufrage, que le chevalier de Tromelin récupérera les huit esclaves survivants : sept femmes et un enfant de huit mois.

Une fois connu en métropole, ce « fait divers » sera dénoncé par Condorcet et les abolitionnistes, à l’orée de la Révolution française.

Max Guérout, ancien officier de marine, créateur du Groupe de recherche en archéologie navale (GRAN), a monté plusieurs expéditions sous le patronage de l’UNESCO pour retrouver les traces du séjour des naufragés. Ses découvertes démontrent une fois de plus la capacité humaine à s’adapter et à survivre, en dépit de tout.

L’archéologue a invité le dessinateur à les rejoindre lors d’une expédition d’un mois sur Tromelin. De là est né ce livre : une bande dessinée qui entremêle le récit « à hauteur humaine » (on « voit » l’histoire du point de vue d’une jeune esclave, l’une des survivantes sauvées par le chevalier de Tromelin) avec le journal de bord d’une mission archéologique sur un îlot perdu de l’océan Indien. Après le succès international de Marzi, Sylvain Savoia offre à nouveau aux lecteurs une magnifique leçon d’humanité.


Est-Ouest

Du grand Ouest américain aux territoires les plus reculés du bloc communiste, le scénariste Pierre Christin raconte ses voyages des deux côtés du rideau de fer, chose rare du temps de la guerre froide. Il évoque ses rencontres avec d’éminents auteurs tels que Jean-Claude Mézières, Enki Bilal et Jean Giraud – dit Moebius.

Entre Flower Power et catastrophe nucléaire de Tchernobyl, le scénariste de « Valérian et Laureline » se dévoile au fil d’une histoire subjective de la seconde moitié du XXe siècle, tracée en parallèle de son parcours artistique admirablement mis en images par Philippe Aymond.


Les Louves

« Trop tard, les Loups attaqués, les vieux Loups fatigués de guerres, partirent au combat. Leurs Louves se réfugièrent au fond des tanières, serrant contre elles leurs Louveteaux… »

Comment vit-on lorsqu’on est une femme belge sous l’occupation allemande ? C’est ce que vont apprendre Marcelle et Yvette, deux filles de La Louvière, au cours de ces longues années de guerre. Aux côtés de leurs frères et de leurs parents, elles grandiront jusqu’à devenir peu à peu des femmes soucieuses de préserver leur monde, des Louves prêtes à se battre pour vivre et à vivre pour être elles-mêmes.


Les Gens Honnêtes L’Intégrale

Philippe est un gent honnête. Comme beaucoup d’êtres ordinaires, il mène une vie ordinaire avec des enfants désormais grands, une belle maison, une mère parfois trop envahissante, une existence sans autre accroc que ceux de n’importe qui, en somme. Sauf qu’un jour, un licenciement aux motifs eux aussi ordinaires précipite Philippe dans l’abîme. En un rien de temps, il perd tout et se retrouve à la rue. Un désastre qui lui fera ouvrir les yeux sur la réalité et lui apprendra à voir le monde tel qu’il est : absolument bouleversant.

En quatre volumes, parus sous le label « Aire Libre » de 2014 à 2016, Gibrat et Durieux ont offert à la bande dessinée l’une de ses chroniques les plus vibrantes. Récit doux-amer de la tragicomédie d’une vie parmi tant d’autres, cette histoire ici réunie pour la première fois en intégrale offre le panorama d’une vie ballottée d’amours en amitiés, d’échecs en réussites, de rencontres en adieux, une vie qui accuse son lot de tourments et d’instants de grâce, jamais définie, toujours en mouvement. Une échappée romanesque qui ne serait rien sans la force émotionnelle soulignée par ses auteurs, dont l’alchimie se distille tout au long des pages. En toute honnêteté : magnifique.


Les larmes du seigneur afghan

Mars 2010, la grand reporter Pascale Bourgaux part réaliser un documentaire sur un seigneur de guerre, dans un village du nord de l’Afghanistan où elle se rend régulièrement depuis dix ans. Compagnon d’armes de Massoud à l’orée de ce siècle, farouche adversaire des talibans et chef respecté, Mamour Hasan, puisqu’il s’agit de lui, n’a pourtant pas connu de fonction gouvernementale à la hauteur de son engagement.

Contre toute attente, elle découvre que nombre de jeunes, notamment le fils du chef de la tribu, sont sur le point de basculer dans le camp taliban. Alors que le pays se débat dans une situation des plus confuses, entre guerre, luttes d’influence et corruption galopante, comment, dans ce bastion de la résistance anti-talibane, en est-on arrivé là ?

Loin des clichés et des discours politiques, cette bande dessinée nous fait découvrir la situation complexe d’un petit village afghan. Mais aussi le quotidien d’une grand reporter en pleine action, la façon dont le documentaire se construit de jour en jour, dans un pays où être une journaliste occidentale n’est pas sans danger.


Petite carpe

« Avant, il y avait des arbres, des paysages sauvages. L’homme n’y intervenait pas. Staline a décidé de « rectifier » cet espace. Et maintenant, à la place des arbres, il y a des bâtiments en béton, partout. Staline a fait construire une usine, grâce à quoi beaucoup de gens ont trouvé du travail, mon père, entre autres. »
Née en 1979, Marzi est une petite Polonaise de 7 ans qui regarde le monde de ses grands yeux d’enfant : ses parents, sa famille, ses amis d’école et les dames si revêches du magasin d’alimentation, qui ne se dérident pas même lors d’une exceptionnelle livraison de fruits. Elle vit dans une HLM située dans une ville industrielle. Marzi est gaie, insouciante, espiègle et observatrice. Frêle comme une petite fille de cet âge, le regard perçant comme une enfant de cet âge, avec une immense soif de vivre comme tous les gamins de cet âge. Marzi, c’est sûr, va vivre plus d’une aventure!