Le Voyage du petit Li

Une adolescente de 14 ans, He Pao, assiste au massacre de ses parents adoptifs par Yu Kong, un fils de bourgeois qui a subitement sombré dans la démence. Cachée sous des vêtements masculins et décidée à retrouver et à punir l’assassin, elle se met à parcourir seule les routes de la Chine médiévale du XIIème siècle. Hébergée quelques temps par des nonnes, elle finit par retrouver Yu Kong devenu disciple du Moine Fou. He Pao, fascinée par ce moine, décide de découvrir ses secrets. L’adolescente grandit et avec elle le désir de percer le mystère de sa petite enfance.

Vink raconte et illustre avec brio l’histoire de ce personnage complexe, original et indépendant qui refuse de s’intégrer aux différentes sociétés rencontrées au cours de ses aventures. Le dessin aux couleurs de pastel, tout de suite reconnaissable, fait surgir avec chaleur et exotisme une Chine mystérieuse, peuplée de brigands sauvages, de religieux fanatiques, de nobles oisifs et de pauvres paysans. C’est en 1984, dans les pages de CHARLIE MENSUEL qu’a été crée cette série.


La Menace Frankenstein

Promu ambassadeur de Transbulvaquie, le baron Frankenstein se livre à ses petites expériences, avec l’aide de son assistant Igor, qui le fournit en cadavres frais et en cerveaux pas toujours bien choisis — celui d’un inspecteur du fisc, entre autres, ou celui de papa Frankenstein. C’est d’ailleurs par le papa qu’on apprend que, tout petit déjà, le baron tentait de recréer l’oeuvre de Dieu avec un rôti de porc et une pile de six volts.

Donc, le baron passe son temps à fabriquer des monstres. C’est sa vocation et son vice. Il est même dépendant, et quand il veut arrêter, il se couvre de patchs. Bien sûr, il ne fabrique jamais le moindre monstre utile à l’humanité, qui découvrirait le vaccin contre le paludisme, par exemple. Il fait plutôt dans le monstre qui sait ouvrir les pots de yaourts sans plier les coins. Et la plupart du temps, dans le monstre raté qu’Igor va ensuite lâcher dans le village — à un mois des élections, ça énerve le maire — ou dans un coin où  » il ne peut pas faire de dégâts « . Près du couvent des Ursulines, par exemple.

Il y a tout de même un monstre réussi à la maison. Il fait des bêtises avec Igor et il massacre ses trois ecclésiastiques en un quart d’heure. (C’est lui qui pose à gauche sur la photo de couverture, les deux monstres de droite étant des ratés.)

Parfois, le baron donne une réception éblouissante et il drague Brunehilde. C’est là qu’Igor arrive, une ventouse bien crade à la main, en hurlant que les toilettes sont bouchées. Ou alors, le monstre vient faire homologuer son dernier record — en l’occurrence, le volume des trucs qu’il arrive à sortir en se fouillant le nez.

L’unique fois où le baron fabrique une monstresse, elle est assez gironde mais elle se réveille de mauvais poil et lui trouve une dégaine de smicard. Après, elle part faire des choses avec papa Frankenstein. Ce n’est donc pas une réussite non plus. Malgré tout, le baron ne se lasse jamais.  » Le sinistre docteur Frankenstein… blablabla… tel l’égal de Dieu… blablabla… dans un éclair éblouissant… blabla…  » Et c’est reparti.

Cette version décapante du mythe est tordante de bout en bout — jusqu’au bêtisier final, qui nous dévoile les arrières-cuisines du  » tournage  » comme si on y était — c’est trop court, on en redemande. Evitant les clichés et autres gags poussiéreux, Veys nous surprend à chaque case, à chaque bulle. Quant au dessin de Duchazeau, aussi expressif que subtil, il laisse augurer un nouveau talent dans le paysage humoristique. Voilà donc un chouette cadeau d’Halloween pour ceux qui aimaient déjà le Frankenstein Junior de Mel Brooks et les expériences lamentables de Gaston. C’est-à-dire tout le monde à partir de douze ans. En gros.


À l’heure du second T

Le jeune Philémon vit à la campagne et passe son temps à rêver en compagnie de son âne Anatole. Au cours d’une promenade, il rencontre Barthélémy le puisatier qui est à la recherche de son paradis perdu : la lettre A du mot Atlantique. Grâce au vieux Félicien qui sait comment se rendre là-bas, ils partent régulièrement pour ce monde parallèle. Malheureusement les manoeuvres sont parfois approximatives et ils se retrouvent dans d’autres lettres peuplées de curieux personnages.

Cet univers farfelu et merveilleux est imaginé par Fred pour PILOTE en 1965. Son trait imaginatif et nouveau, ses mises en page particulières, ses planches grouillantes de détails insolites, de clins d’oeil, de malices et de trouvailles graphiques ne laissent pas indifférent.


La Loi de la jungle

Voici venu le temps de Supermurgeman, le super héros que la Hollande et les États-Unis nous envient. Armé de sa Supermurgebière ®, notre justicier va lutter contre le monopole de la SOFROCO-GEDEC afin de nous ouvrir les portes de la perception. Mais poursuivi par Alexandre Legrand, Monsieur Chocolat et les concurrentes dénudées de la Loi de la Jungle, émission culturelle de Real T.V., notre sympathique héros aura bien du mal à faire triompher la justice et le bon goût.

Chef d’oeuvre d’humour trash et déjanté, ce premier tome des Nouvelles Aventures de Supermurgeman va pousser Superman vers une retraite bien méritée. Supermurgeman a commencé sa carrière de super héros masqué dans les pages du Psyckopat puis en album aux Requins Marteaux pour un premier album nominé à Angoulême et au prix René Goscinny. Mathieu Sapin, compagnon d’atelier de Messieurs Blain, Sfar et Sattouf, décide de conquérir le monde et signe donc chez un grand éditeur prestigieux qui donnera une visibilité planétaire à ce nouvel épisode des aventures de Supermurgeman. La Loi de la jungle, histoire complète, est donc le récit du combat sans merci que vont se livrer notre héros masqué et Alexandre Legrand, le terrible élu, allié à la Sofroco – Gedec, gigantesque PME aux ramifications internationales qui étend chaque jour un peu plus son emprise sur la planète afin de s’approprier le marché de la supermurgebière.


Le Chirurgien des Baskerville

Elle est jolie, la Transbulvaquie ! On ne peut pas faire un pas dans les rues sans croiser des couturés de partout et des  » à l’haleine qui pue  » – des monstres, quoi. Ça, c’est la faute du baron Frankenstein et d’Igor, son assistant.

Le second approvisionne en cadavres du jour (ou à peu près) le premier, lequel s’empresse de les transformer en créatures repoussantes. Le pire, c’est que le baron a un concurrent : un certain docteur Fayoud, ambassadeur du Kestafehtoustan. Merci, la mondialisation ! C’est sûr, on va finir par manquer de cadavres…

Oubliez Mary Shelley et Mel Brooks : le vrai baron Frankenstein, le voilà ! C’est ce type aux cheveux blanchis qui passe son temps à fabriquer des monstres, à draguer la belle Brunehilde et à ressasser ses traumatismes d’enfance allongé sur un divan. Veys et Duchazeau ont trouvé comment enseigner les grands mythes littéraires aux enfants (et aux adultes aussi, remarquez) : à grands coups d’humour, de parodie et de franche poilade à vous donner le hoquet. Leur recette ? Des dialogues tordants, un coup de crayon à réveiller un mort et un zeste de Joe Dassin pour allonger la sauce.

Dites donc, les vrais savants fous, ça ne serait pas eux, par hasard ? Renseignements pris, Pierre Veys, le scénariste, n’est pas bossu. Il n’a pas le front couturé ni les yeux globuleux et s’honore d’une haleine tout ce qu’il y a d’honorable.

Où va-t-il chercher tout ça, alors ? Le talent, jeunes gens, le talent. Et l’expérience, aussi : on lui doit les scénarios de 221, Baker street, de Space mounties, des Avatars et du Maître-détective. Né en 1959, venu du café-théâtre, de la télé et de Fluide glacial, il a su rester simple : il ne s’enferme pas dans un laboratoire secret pour créer et ne se prend pas pour l’égal de Dieu (enfin, pour l’instant).

Sa créature à lui s’appelle Franz Duchazeau et ne souffre d’aucun défaut de fabrication. Né en 1971 à Angoulême (il y en a qui sont prédestinés), Duchazeau a travaillé pour la presse Disney et pour Spirou. Il se consacre désormais à Igor et les monstres (une série qui lui donne un travail monstrueux, forcément monstrueux.)


Le Syndrome de Stockholm

Moins serein que Navarro, plus fou que le commissaire Moulin, aussi obstiné que Colombo, en fait assez proche du célébrissime inspecteur Clouzeau de Blake Edwards joué dans la Panthère rose par Peter Sellers !

Le commissariat central où sévit Moroni n’a pas fini de s’agiter quand son imprévisible inspecteur se met en action. Cette fois, on ne sait plus trop comment ni pourquoi ni quoi que se soit, mais Moroni se retrouve pris en otage par un ancien salarié de la société Sylphex qui vient littéralement de péter un plomb.

Eugène Puthoff, c’est son nom, semble détenir quelques secrets sur les activités de son ex-employeur que celui-ci ne tient pas à voir tomber dans le domaine public… Aculé, Puthoff prend donc en otage Moroni avec lequel il finira par développer le syndrome de Stockholm*. Pour être clair, Moroni est dans la merde jusqu’au cou.

* Il s’agit d’un comportement paradoxal des victimes de prise d’otage, décrit pour la première fois en 1978 par un psychiatre américain. Le diagnostic relève de trois critères : le développement d’un sentiment de confiance, voire de sympathie des otages vis à vis de leurs ravisseurs, le développement réciproque d’un sentiment positif des ravisseurs à l’égard de leurs otages, et l’apparition d’une hostilité des victimes envers les forces de l’ordre.


Les Sceaux de l’Apocalypse

Après le mystère des trois lunes qu’il a dû affronter dans Le Maître des Etoiles, sa précédente aventure, voici Percevan confronté aux sept sceaux de l’apocalypse.

Quand se rompt le premier, des monstres surgissent des océans, des rivières et des étangs.

Quand se rompt le deuxième, les eaux des sources, des fleuves, des torrents et des rivières deviennent sang.

Quand se rompt le troisième, des tornades mettent à bas les plus épaisses forteresses de pierres.

Quand se rompt le sixième (pour faire bref), l’obscurité s’étend sur le monde.

C’est dire si Percevan et son ami Kervin (un soupçon d’humour paysan dans un monde de brutes) ont du souci à se faire. Pour arriver au septième sceau avant la cata finale, ils n’auront pas trop de la complicité de la belle et redoutable magicienne Balkis,  » fille de l’homme et des puissances d’en haut  » que le lecteur connaît bien depuis la page 26 du tome 1 (paru en 1982, il y a presque vingt ans…). Balkis, pour ouvrir la voie à nos héros, a besoin d’entendre un conteur lui narrer la légende de Johan, celui qui jadis emprisonna les sept sceaux. Malheureusement les malheureux tombent comme à Gravelotte. La faute à trois cavaliers de l’apocalypse, une équipe de malfaisants comme le bon Percevan n’en a jamais affronté.

Si vous ajoutez le retour de l’ignoble baronnet Mortepierre et une poignée de Gorgones teigneuses, vous comprendrez qu’une telle aventure ne puisse se clore en un seul album…

Dessin unique d’élégance mêlant en de somptueuses noces réalisme et fantastique, scénario brassant vieilles légendes et scènes d’action les plus folles, Percevan continue à tracer un sillon unique dans le monde aujourd’hui très fréquenté, et pas toujours très fréquentable, de l’héroïc-fantasy à la française.


La Table d’Emeraude

Les fans de Percevan attendaient l’événement depuis trois ans : voici le dernier volet de la trilogie commencée avec les Clés de feu et les Seigneurs de l’enfer.

A la fin du second épisode, Percevan, rendu à demi-fou par la cohabitation de deux esprits – celui du mage Sharlaan et le sien – dans un même corps, était piégé au fond d’une grotte par les gardes noirs et leurs chiens.

Au début de cet épisode, il semble que Percevan veuille retrouver ses esprits par instants. Ce qui arrangerait bien Kervin, qui en a assez de ne plus savoir s’il parle à son ami ou à Sharlaan. En tout cas, ils arrivent à s’enfuir de la grotte et, après avoir traversé les terribles marais, se retrouvent au château de Balkis, avec les affreux Mortepierre et Polémic, qui veulent la peau de Shanaan.

Grâce à Balkis, Sharlaan et Percevan récupèrent enfin leurs esprits respectifs. Et tout le monde s’en va au château de Malicorne, qui abrite la fameuse table d’émeraude – la table des connaissances.

Les forces des Ténèbres seront-elles vaincues ? Vous le saurez au terme de l’extraordinaire combat que se livreront les mages Sharlaan et Ciensinfus, dans une succession de prodiges et une explosion graphique qui constitue à coup sûr un morceau d’anthologie.


Trucs -en-vrac – tome 2

Chez Gotlib, l’humour est une affaire très sérieuse. Et si possible à traiter sous tous ses aspects… Les hilarantes Rubriques-à-brac, la bible de l’humour, en sont les exemples les plus démonstratifs, sans oublier Les Dingodossiers, Les Trucs-en-vrac, Les Cinemastock, etc. Attention : la lecture assidue de ces albums peut provoquer des crises de fous rires aiguës. On vous aura prévenu.


Le Génie des Alpages

Entre terre et ciel, très haut dans les alpages, juste en dessous des nuages, vivent des héros créés et dessinés par F’murr. Athanase, berger pensif et rêveur, réunit autour de lui des brebis dotées d’un quotient intellectuel élevé, un bélier adulé nommé Romuald, un chien heureux de sa condition de gardien, une jolie bergère court-vêtue et une quantité d’autres personnages en visite sur les sommets. L’amateur de BD reconnaîtra parmi eux des dessinateurs, des critiques, des journalistes, des éditeurs tous croqués par F’murr avec humour et mis en scène en quelques planches dans des situations absurdes et drôles.

Car la série Le Génie des Alpages est un chef d’oeuvre du non-sens, dessiné d’un trait original, léger, plein de charme. L’auteur fait preuve d’une imagination débordante assez rare dans la BD moderne. Cette transition réussie entre la nostalgie des années 50 et la BD contemporaine a rencontré un très grand succès dès ses débuts, en 73, dans les pages de PILOTE.