Un départ précipité

Bidule, le cochon d’Inde de Jules et son meilleur copain, va mal. Si mal que les parents l’ont mis à la poubelle un peu hâtivement. En fait, d’après le vétérinaire (un type sensible et délicat qui a disséqué pas mal de cochons d’Inde dans sa jeunesse), il lui reste deux jours à vivre avec son cancer. Désespéré, Jules refuse.

Et avec ce qu’on appelle justement « l’énergie du désespoir », il va secouer toute la planète (et même les autres), ainsi qu’un Prix Nobel et quelques chercheurs extraterrestres, pour tenter de sauver Bidule. D’abord il fugue en Angleterre avec Bidule, où Virginia Wilkins, génétitienne, Prix Nobel et maman de Janet, Janis et Jane, propose de lui fabriquer un clone immortel. Mais Jules ne veut pas d’un clone immortel, il veut son Bidule à lui, vivant.

Ensuite, entraînant avec lui son papa devenu radioactif (voir épisode précédent) et beaucoup plus rigolo que d’habitude, il retrouve en Ecosse ses amis Tim et Salsifi, natifs d’Alpha du Centaure, avec qui il embarque pour Titan. De retour en Ecosse avec les médicaments capables de sauver Bidule — et un contre-temps spatio-temporel qui lui a fait perdre une année terrestre —, il retrouve une Janet montée en graine et un Bidule qui pète de santé.

Beaucoup trop, en fait. Comprenant que Bidule est mort et que Madame Wilkins s’est adonnée à son péché mignon (le clonage), Jules écoute enfin les conseils avisés de Tim : « Il faut savoir accepter la mort et passer à aut’chose, sinon ça te rapporte que des emmerdes. » On ne saurait mieux dire. Et, du même coup, il accepte de grandir. On apprend des tas de choses sur la vie et la mort des cellules, sur le mythe d’Orphée (dont on avait un peu oublié la fin), sur le climat qui règne en été dans la région de Saturne (méthane liquide et pluie d’azote à — 170°) et sur la façon dont on finit par accepter l’inacceptable pour revenir du côté de la vie.

Le tout, traité avec légèreté, humour et sensibilité, s’adresse aux enfants comme aux adultes, tout le monde étant bien forcé un jour de regarder cette nuisance en face — la mort.


Des astres pour Iznogoud

La légende raconte qu’à Bagdad la magnifique, un grand vizir répondant au nom d’Iznogoud, particulièrement mal intentionné, cultive l’ambition de ravir le trône du calife Haroun El Poussah. D’où son expression favorite qui revient sans cesse : « je veux être calife à la place du calife ! ». Secondé par Dilat Laraht, Iznogoud multiplie les tentatives les plus diverses et surtout les plus folles pour arriver à ses fins. En vain, bien sûr !

Fidèle à l’esprit des Milles et une Nuits version loufoque, les auteurs ont inventé cette série en 1962 pour RECORD. Mais c’est dans les pages de PILOTE (1968) qu’Iznogoud trouvera un réel succès Après un bref passage aux éditions Glénat, Tabary décide de s’auto-éditer en créant les éditions de la Séguinière puis les éditions Tabary. (12 albums).


La Saison des anguilles

Long Courrier est une collection d’auteurs. Pas une voix, un tempérament, un graphisme, un scénario qui se ressemble. Seul point commun : la densité de lecture et sa qualité. Tous les genres sont admis en Long Courrier, du conte charmeur au récit réaliste.


Les Tourbillons de fleurs blanches

Un jour de tempête, He Pao débarque en Corée avec son ami Ki Ju. Elle a appris que le Moine fou vivait là, et elle espère toujours découvrir son secret pour se libérer de la folie qui la menace.

Elle est invitée à rencontrer le Prince Yoo, gouverneur tyrannique et fervent des arts martiaux, surnommé le Prince noir. Venant de faire exécuter le maître d’armes de ses fils, Yu Shin et Bang Song, le Prince noir propose à He Pao de le remplacer. Elle refuse mais se voit contrainte d’accompagner Yu Shin et Bang Song dans leur partie de chasse traditionnelle. Et les deux exécrables frères, qui n’entretiennent habituellement que des rapports de rivalité, sont pour une fois d’accord : ils ne veulent pas de He Pao et fomentent un plan pour se débarrasser d’elle.

C’est au cours de cette partie de chasse, dans la montagne enneigée, que He Pao rencontre Six Pas, un personnage étrange qui vit là en ermite. Elle se pose alors une question essentielle : entre l’image qu’elle se fait du Moine fou et sa rencontre avec Six Pas, y a-t-il une place pour l’espoir et la fin de sa hantise ?

Voilà maintenant dix ans que Vink a entrepris cette fabuleuse aventure, longue quête initiatique d’une jeune orpheline occidentale dans une Chine médiévale. Son graphisme unique, son sens hallucinant du relief et de la lumière, la fougue « exotique » de ses personnages, font de cette série une perle rare, sans équivalent dans la bande dessinée.


Le Roman de la mère de Renart

Comme nous sommes au Moyen Âge, les forêts sont plus vastes et profondes qu’aujourd’hui, et nul n’ose s’y aventurer. Néanmoins, Merlin, Tartine et Jambon, qui ne sont pas  » nuls « , s’y aventurent.

Mais d’abord, rappelez-vous. Merlin, c’est Merlin enfant – un gosse plutôt vilain et mal élevé, sous son joli chapeau bleu. Jambon, c’est le cochon, et Tartine, c’est l’ogre qui ne mange plus d’enfants, mais qui se retient de bouffer Jambon depuis trois albums.

Dans la forêt, ils trouvent le loup Ysengrin en mauvaise posture, la queue prise dans la glace : il s’est encore fait avoir par son copain Renart le goupil, qui est beaucoup plus futé que lui. Après délivrance du loup, les quatre compères foncent chez Renart lui casser la gueule. Mais décidément, Renart est très futé…

Nous sommes donc en plein Roman de Renart – la série originelle ayant été écrite aux XIIe et XIIIe siècles -, version Sfar et Munuera, c’est-à-dire iconoclaste. Avec quelques digressions rigolotes sur le déterminisme et la liberté de chacun (en particulier de l’auteur), l’incident du virtuel sur le destin des personnages, et le droit (ou non) de zigouiller ce salopard de Renart – un personnage du patrimoine, autant dire une légende. Sans oublier quelques détours par les Trois Petits Cochons et La Fontaine.

Le tout se lit au premier degré pour les enfants, et au deuxième degré pour les grands, qui sont beaucoup plus cultivés, ça va de soi. Ce qui n’est pas sans rappeler le cas Astérix.

Une merveille de loufoquerie et d’impertinence, tant sur le plan de l’imaginaire que du graphisme. Et bientôt, nous retrouverons les trois copains dans Tristan et Iseult. Ça promet.


Les Palmiers noirs

Dans les Caraïbes, au bord du triangle des Bermudes, trois groupes antagonistes se cherchent des poux dans la tête…Il y a d’abord le trio de Davy Jones Locker, service secret créé par Barbe Noire pour lutter contre la suprématie anglaise, face à la grande Zawa et ses cannibales d’une part, et face aux anglais d’autre part…

Dans la première partie de cette aventure, une énorme vague d’origine inconnue avait noyé l’île de Redonda. À présent, la Couronne veut prendre sa revanche et dépêche une puissante armada pour annihiler les frères de la côte. Mais le Davy Jones Locker veille…Un anglais, Toth, détient un secret qui pourrait réduire le plan des anglais à néant.

Il faut donc le pousser à trahir la Couronne. Sarah, Fido et Lorne qui forment le Davy Jones Locker doivent le l’amener devant Barbe Noire afin qu’il révèle tout ce qu’il sait des Palmiers noirs de Khemet… Sur un scénario aux multiples tiroirs, Krassinsky régale son lecteur de son trait vif et de ses somptueuses mises en page qui mettent en valeur son sens de l’action.

Mêlant magie noire et vaudoue, légende de l’Atlantide, mythologie grecque et un zeste de haute technologie, voici un récit original de piraterie fantastique plein de mystère qui charmera le lecteur attentif !


Les Intondables

Entre terre et ciel, très haut dans les alpages, juste en dessous des nuages, vivent des héros créés et dessinés par F’murr. Athanase, berger pensif et rêveur, réunit autour de lui des brebis dotées d’un quotient intellectuel élevé, un bélier adulé nommé Romuald, un chien heureux de sa condition de gardien, une jolie bergère court-vêtue et une quantité d’autres personnages en visite sur les sommets. L’amateur de BD reconnaîtra parmi eux des dessinateurs, des critiques, des journalistes, des éditeurs tous croqués par F’murr avec humour et mis en scène en quelques planches dans des situations absurdes et drôles.

Car la série Le Génie des Alpages est un chef d’oeuvre du non-sens, dessiné d’un trait original, léger, plein de charme. L’auteur fait preuve d’une imagination débordante assez rare dans la BD moderne. Cette transition réussie entre la nostalgie des années 50 et la BD contemporaine a rencontré un très grand succès dès ses débuts, en 73, dans les pages de PILOTE.


Les Glaces

Ce fut, éditorialement, l’un des moments forts de l’année. Cet Isaac a de la consistance, un charme, une énergie, une émotion que l’on retrouve dans peu de séries. Voici le deuxième tome d’Isaac, parti dans le grand nord… L’état de grâce continue !

Cet album rend caduque par sa facilité de lecture et son accessibilité, l’opposition entre BD classique et moderne.

Au XVIIIe siècle, les navigateurs partaient parfois explorer les quatre coins de la planète (ronde, comme chacun le sait !) et découvraient des régions jusqu’alors inconnues. Isaac, peintre embarqué presque par hasard sur un navire contrôlé par des pirates, n’échappe pas à cette incroyable découverte du monde. Après les eaux chaudes des Caraïbes, le voici découvrant le grand nord et ses icebergs terrifiants. Un voyage éprouvant pour tous les hommes du navire à commencer par Isaac qui sera transformé par ces événements.

Un authentique récit d’aventure qui renouvelle les histoires maritimes. Le Barbe-Rouge de ce nouveau siècle ?


Dixie Road – Intégrale complète

Dans le Sud profond des États-Unis des années 1930, la saga d’une famille pauvre vue à travers le regard d’une gamine de quatorze ans qui voudrait bien croire au rêve, en ces temps de crise où il ne fait pas bon être noir, ni communiste, ni pauvre.
La série qui a véritablement révélé Hugues Labiano, associé à un grand scénariste, Jean Dufaux, pour cette histoire au souffle steinbeckien.


La Vie d’artiste

Dès la maternelle, Noémie s’avère être une artiste. Au grand désespoir de ses parents. Et elle le restera quel que soit le prix à en payer. En équilibre parfait entre tendresse et humour, Florence Cestac nous raconte comment un petit canard féminin, pas exactement semblable aux autres, réussit quand même son parcours. Avec ce sujet, qui la touche de près, l’auteure (ou l’autruche dirait-elle) retrouve toute la verve chaleureuse et drôle qui animait son mémorable Démon de midi.