Max l’Explorateur, ce personnage de pantomime dans son costume de colon belge des années 30, est le parangon muet du dessin de presse. Créé en 1954 par Guy Bara, le cartooniste à la renommée internationale, il conquiert bientôt les quotidiens du monde entier grâce à son humour souvent absurde, la simplicité de son trait et sa capacité, au moyen d’un langage silencieux, à être intelligible par tous. Cette trogne sympathique, reconnaissable entre mille, voyagea dans de nombreux journaux et revues, de Coeurs Vaillants à France-Soir, de Copenhague à Kuala Lumpur, au point de se retrouver dans plus de 13.000 strips dans le Soir ou il paraîtra jusqu’en 1998.
Les Éditions Dupuis célèbrent aujourd’hui le reporter distrait qui amusa Le journal de Spirou entre 1964 et 1985, en publiant une sélection de ses meilleurs strips réunis selon quatre dossiers thématiques. Au fil des dessins, c’est toute une culture populaire qui se fait jour, une immersion dans l’histoire de la bande dessinée et du cartoon à l’américaine. Un indémodable dont le comique instantané et la dynamique burlesque nourrissent toujours et encore le rire !
Tenter de capter, malgré son évanescence, ce sentiment de solitude qui nous saisit face à la complexité du monde. Cet état d’âme qui, s’il nous isole de nos semblables, est peut-être ce qui fait de nous des humains. Outrepassant par la grâce du dessin le principe selon lequel il faut se taire sur ce dont on ne peut pas parler, Cyril Pedrosa suit les méandres de cette émotion, nous livrant un magistral récit en quatre tableaux. Quatre tableaux, pour quatre saisons et autant de personnages en quête de leur destinée, à travers l’espace et à travers le temps.
Autour de lieux, à l’occasion de luttes, ces êtres sans attaches vont croiser d’autres solitudes et tisser les uns avec les autres le fil ténu d’une conscience happée par l’inconnu et tourmentée par l’énigme du sens de la vie. Chaque saison a son identité graphique, chaque voix également. Une oeuvre d’une intensité et d’une sensibilité narrative rares, du créateur du très remarqué « Portugal ».
Il y a une quinzaine d’années, le Kosovo est devenu le théâtre d’une guerre civile, aux franges de l’Europe. Kosovar, Gani Jakupi a quitté son pays en proie au conflit. Écrivain, journaliste, jazzman, dessinateur et scénariste, il a vécu en France et en Espagne, avant de revenir au Kosovo après la fin des combats en 1999, pour retrouver sa famille et pour témoigner. À la fois proche et lointain, ce conflit a ravivé des doutes et des blessures qu’on croyait oubliés. Comment dire l’après ? Gani Jakupi explore les douloureuses questions qui se posent quand les armes se taisent et que la vie doit reprendre ses droits.
Pionnière dans son genre, la série Les Tuniques Bleues a toujours su concilier véracité historique, divertissement et aventures, au point de devenir aujourd’hui un des grands classiques de la bande dessinée. Rendant hommage à l’incroyable travail de documentation de Lambil et Cauvin, cette collection poursuit sa (re)découverte des grandes aventures des Tuniques Bleues sous un angle thématique à chaque fois différent.
Après les grandes batailles et les chevaux dans l’armée, les personnages du général Grant et du hors-la-loi William Quantrill sont au coeur de ce nouveau volume qui réunit « Quantrill » et « Qui veut la peau du général ? », le tout accompagné d’un dossier richement illustré.
Viny K. est une sorte de Tintin reporter du XXIe siècle. Il travaille dans un news magazine, écoute du rock, fume le cigare et fréquente les réunions Narcotiques Anonymes pour se libérer de sa dépendance aux drogues.
Parti pour enquêter sur une affaire de meurtre à la Gaston Leroux, Viny K. se retrouve dans un sombre micmac aux forts relents de Françafrique. Mais une Françafrique revue et corrigée par les narcos, relevée d’une pointe de mysticisme et d’un zeste de sorcellerie. Comment, à partir de trois crimes de proxénètes non élucidés à Paris, en arrive-t-on à un coup d’État en Guinée-Bissau ? On le saura en lisant cette nouvelle histoire stupéfiante de Viny K., journaliste gonzo à la décontraction étudiée et à l’humour ravageur, qui promène sa silhouette dégingandée du 8e arrondissement de Paris aux coins les plus reculés de la brousse africaine, dans les marges d’une actualité d’autant plus brûlante qu’elle est souterraine.
Vincent Bernière offre un récit étonnant, qui va autant chercher du côté de l’aventure pure que du polar, sans se départir d’une certaine distance, non dénuée d’une ironie pleine de mordant. Un récit en parfaite adéquation avec le graphisme expressif et fluide d’Erwann Terrier, franchement saisissant.
En 1971, lorsque paraît l’histoire courte « Des bleus et des tuniques », la série créée par Raoul Cauvin et Louis Salvérius est l’un des succès du Journal de Spirou. Dès l’année suivante, les deux premiers tomes entrent ainsi en librairie, fait rare pour l’époque.
Louis Salvérius, grand passionné des Indiens, prend plaisir à porter, sous la direction de Thierry Martens, les aventures de Blutch et Chesterfield, après des années passées dans l’ombre du studio de dessin de Dupuis.
Après « Printemps dans la prairie », les auteurs s’attaquent à des récits plus longs : « Et pour quinze cents dollars en plus », puis « Outlaw ». Malheureusement, alors qu’il venait d’en entamer la 37e planche, Salvérius succombe à un infarctus, stoppant soudainement une carrière pourtant en pleine ascension.
Alors que ses personnages lui ont survécu avec succès sous la plume de Lambil, ce deuxième tome de l’intégrale des Tuniques Bleues est l’occasion de se repencher sur le travail de ce dessinateur discret et talentueux.
La vie suit son cours (presque) paisible à l’atelier Mastodonte. Des nouveaux auteurs arrivent (Feroumont, Bouzard ou Bertail) et d’autres n’y parviennent pas (Keramidas ou Stan & Vince). Leur train-train quotidien va être bouleversé quand Lewis Trondheim aura cette idée un peu folle de partir en vacances avec tous les membres de l’atelier. Dominique Bertail, dont la famille possède un château, arrive à point nommé. Cette résidence luxueuse va devenir le nouveau cadre du quotidien de ces auteurs de BD, qui vont comprendre à leurs dépens que travailler avec des gens et vivre 24h/24 avec eux, ce n’est pas la même chose…
Ce second volume du diptyque consacré aux personnages réels se penche sur les figures, souvent controversées, de John C. Pemberton, de William Tecumseh Sherman et du capitaine A.B. Miller à travers deux albums, « L’oreille de Lincoln » et « Colorado Story ».
Fort de ses recherches et de ses illustrations, Philippe Tomblaine offre dans son dossier un portrait didactique de ces personnages en les replaçant dans le contexte historique qui fut le leur, au coeur de la guerre de Sécession.
Un ouvrage indispensable pour tous ceux qui ont déjà accompagné le sergent Chesterfield et le caporal Blutch dans leurs aventures !
Si le premier tome de « La Véritable Histoire de Spirou » évoquait la naissance de la bande dessinée belge, sa suite, qui débute en 1947, se penche sur l’époque de la modernité.
Car dans ces toutes jeunes années 1950, les Éditions Dupuis se structurent et se professionnalisent. Graphiquement, éditorialement, c’est un tout nouveau souffle créatif qui s’empare de Marcinelle. Peu à peu, les personnalités des premiers temps laissent place à une nouvelle génération, celle qui fera Le journal de Spirou de la décennie suivante. Pour le petit groom, ces quelques années sont celles de l’installation d’André Franquin, son père le plus célèbre, de la naissance de Champignac ou du mythique Marsupilami.
Continuant leur décorticage passionné, les « spiroulogues’ Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault s’attardent donc cette fois sur cette période charnière pour l’histoire du journal de Marcinelle, dans un ouvrage dense, très documenté et richement illustré : une plongée dans l’aventure Spirou.
À la naissance de Billy the Cat, Stephen Desberg avait pour objectif de créer un univers à la Disney, utilisant des figures animalières pour aborder les sujets qui lui tenaient à coeur : la famille, l’adolescence, l’indépendance. Grâce au trait de Stéphan Colman, Billy, le jeune garçon réincarné en chaton, a très vite conquis son public.
Si l’adaptation en dessin animé, contemporaine des albums de cette intégrale, a pu lisser le personnage, ainsi que le prouve le plus classique Saucisse le Terrible, l’ambition des auteurs de traiter des sujets complexes est restée intacte. L’oeil du maître renoue ainsi avec une ambiance inquiétante et Le choix de Billy évoque la découverte de l’amour dans une atmosphère pourtant sanglante.
Introduite par un dossier de Didier Pasamonik, cette intégrale réunit les derniers épisodes signés par Colman et Desberg. Billy the Cat continuera ensuite sans eux. Jusqu’au bout, pourtant, ils auront su manier tendresse et exigence dans cette série intelligente et drôle, aujourd’hui classique.