Colin Tranchant

On les appelle les Compagnons. Aujourd’hui encore, certains effectuent un tour de France pour affiner leurs arts centenaires qui consistent à oeuvrer le bois, tailler la pierre, façonner la glaise…

Le Maître de pierre nous entraîne vers le milieu du XVIIIe siècle, au coeur de la Bourgogne. Pour retrouver son vieux maître, Colin-Tranchant,  » tailleur d’image  » comme il se nomme lui-même, devra affronter les flots d’un fleuve déchaîné. Billevesée à côté de la tornade qui l’attend en la personne de la belle Montaine, jeune prostituée au grand coeur et à la grande gueule régnant sur les ruelles de Vézelay. Et qui, pour de bien obscures raisons, semble déchaîner la colère de Schrameck, le vieux maître. Heureusement, Colin-Tranchant porte au fourreau une épée, arme inhabituelle entre les mains d’un simple compagnon…

Pierre Bardet, série après série, peaufine l’image des habitants de la France profonde à travers les âges. Nul mieux que lui sait montrer nos anciens, engoncés dans un carcan politique et religieux, vivant au coeur d’une nature pas vraiment idyllique.

Jean-Marc Stalner, désormais séparé de son frère avec qui il publia deux séries chez Dargaud, Fabien M et Malheig, croque avec jubilation des  » gueules  » plus vraies que nature. Comme toujours, il n’est jamais plus à l’aise qu’au milieu des vieilles pierres et de la nature qui les enveloppe. Formidables décors dans lesquels peuvent mariner et bouillonner les passions humaines.

Le Maître de pierre vous entraînera à travers toutes les régions de France. Prochaines étapes, la Vendée et le pays de Retz.


Lune d’argent

Après Lune de sang, voici le deuxième volet de cette trilogie, conte fantastique argentin qui met en scène l’histoire d’une malédiction. Pampa prend forme en Argentine, dans les entrailles de la mythique Pachamama où sont enfouis de lourds secrets.

Après le massacre d’un village par des Indiens et les représailles de l’armée argentine, constituée de Gauchos, revoici l’épopée de ces deux frères, Zénon et Cirilo, frappés par la malédiction paternelle. Une nuit de pleine lune, l’un deux menace son frère à l’aide d’un couteau hérité de leur père. Mais la transformation s’opère et Zénon se transforme en bête horrible.

La légende de Pachamama prend forme ! Les illustrations au pastel de Nine – un artiste adulé par Régis Loisel – font merveille et confèrent à l’ensemble un traité « haut de gamme ». Un magnifique drame humain raconté tel un conte fascinant qui se décomposera en trois volumes : Lune de sang, Lune d’argent et Lune d’eau.


Saba

Avec la mort de l’équarrisseur, le serial killer qui sévissait depuis des mois, Londres croyait à nouveau pouvoir vivre en paix. Malheureusement, tous ces meurtres ne devaient rien à la folie mais plutôt à une terrible machination dont l’effrayant assassin n’était que l’instrument. John Coleridge, le grand chasseur blanc, Harriet Butten, l’aliéniste et Idriss, le guide indigène vont remonter la piste qui les mènera jusqu’au trésor de la reine de Sabbat.

Le talent unique d’Antonio Parras, immense maître de la bande dessinée explose dans chacune des cases de cette fabuleuse aventure steampunk écrite par Erik Juszezak.


Merlin contre le père Noël

Cette histoire commence par une belle nuit de Noël, à l’époque où le Père Noël, lui aussi, est encore un petit garçon. Si bien q’il a une trouille bleue de Tartine et tombe dans les pommes sans arrêt. Pour le requinquer, Merlin lui fabrique une soupe magique, mais le résultat est bizarre : d’abord ça manque de sel, et surtout, devenu énorme et très teigneux, le Père Noël se met à kidnapper les enfants. Qu’à cela ne tienne : Tartine avale et reste de la soupe, pour devenir encore plus gros et affronter le méchant Père Noël.

Mais quelque chose cloche : en fait, la soupe marche n’importe comment, et ça donne n’importe quoi…


Babybug

Un parfum de bonheur que ce Moustic et son Ratapus dont la présentation avait été soignée grâce à la sortie de l’édition contenant le cahier de 8 pages pour le T.1. Alors, le Ratapus, toujours enrhumé ?…

Pas tout à fait : au départ de cette histoire, le Ratapus éternue bien mais parce qu’une poignée de poivre passe sous son museau sensible. Atchoum !.. Aïe, non, cette fois on semble avoir évité la catastrophe, seul le comportement bizarre d’un bébé semble inquiétant. En fait ce bambin, victime de l’éternuement, se transforme en véritable génie de l’informatique alors qu’il ne sait même pas encore parler ! Grâce à ses talents inattendus et précoces, il menace le réseau informatique mondial, semant la terreur des plus hautes autorités.

À tes souhaits, Ratapus…


Petits frissons d’Halloween

Revoilà Humphrey Luberlu, son fiston Moustic et leur petit animal de compagnie — un rapapus bleu qui a pour spécialité de ranimer n’importe quel truc en éternuant dessus. Les morts, par exemple, puisqu’on est en pleines festivités d’Halloween.

Donc, grâce à un éternuement du ratapus, un certain Eustache particulièrement moche — les zombies sont rarement appétissants — sort de sa tombe. Il est très content. Moustic et son copain Max aussi. Ça leur fait une chouette attraction pour Halloween :  » Eustache le cadavre vivant « , un spectacle déconseillé aux âmes sensibles, qu’ils réservent aux copains, moyennant finances. Au début, tout le monde râle :  » La présentation est trop longue, et il danse pas bien, et z’m’ennuie, et patati et patata.  » Après, ça devient nettement plus crade, et les gamins refusent de payer un euro de plus pour voir Eustache se moucher dans son cerveau.

Le problème, c’est que, dans la foulée, le ratapus a ranimé un autre cadavre moins marrant. Celui de Rocco le boîteux, ancien mafieux local. L’un dans l’autre, Moustic et le ratapus se retrouvent au coeur d’une sanglante affaire concernant Lucrèce, une mocheté sur pattes qui s’occupe de chirurgie esthétique et qui s’est occupée jadis de faire trucider les deux maris de sa soeur Prunette. Et c’est qui, les deux maris de Prunette ? Eustache et Rocco, tous les deux revenus d’entre les morts, l’un avec de bonnes intentions, l’autre pas du tout.

La famille Luberlu est déjà loufoque à l’état normal, mais avec Halloween, on est en plein délire. Les mômes et autres amateurs de gore devraient adorer les ambiances de cimetière et le strip-tease de neuneuils d’Eustache — entendez par là qu’il  » quitte  » ses yeux pour jongler avec. C’est très frais et printanier. Bien entendu, la rigolade l’emporte sur la trouille, et tout revient dans l’ordre avec une histoire courte dans laquelle Moustic, une fois de plus, essaie de se trouver une nouvelle maman — une belle rousse très sportive qui s’appelle Harissa. Beaucoup trop sportive…


Aubes pourpres

Londres, fin du XIXe siècle. Ce matin-là, tandis que les cloches de Big Ben résonnent à travers la Cité, un corps humain se balance à trente pieds au-dessus du sol. L’équarrisseur a encore frappé.

L’équarrisseur ? Un tueur fou qui terrorise la ville. Et menace de récidiver si une rançon de cinq cents livres ne lui est pas versée. Mais que fait la police ? Elle va chercher en Afrique John Coleridge, un guide aux talents de chasseur de fauves. Dans Londres imprégnée de brume, la chasse est ouverte. Et le chasseur, à son tour, devient gibier…

La trame est classique, mais fonctionne toujours à merveille. Des crimes mystérieux, un meurtrier insaisissable, une silhouette noire qui étend son ombre sur la ville, une chasse à l’homme implacable…

Mais la grande nouveauté de ce thriller haletant tient à sa vision originale de Londres : à côté des ruelles fangeuses noyées dans le brouillard se dessine le portrait inattendu d’une ville, aux contours traditionnels rehaussés de futurisme. Comme si Jules Verne s’était invité à toutes les pages. Résultat : un décalage temporel du plus bel effet, où l’architecture victorienne est traversée par de drôles de machines à vapeur aux formes avant-gardistes…

Né à Barcelone en 1929, Antonio Parras exerce trente-six métiers avant de se faire dessinateur de BD. D’abord publié dans des revues espagnoles, il s’installe à Paris en 1955. Dès lors, il travaille pour des magazines aussi différents que Spirou, Tintin, Pilote, Charlie mensuel ou Vécu. Il met en images les scénarios de Guy Vidal (Ian Mac Donald), George Fronval, André-Paul Duchâteau, Victor Mora, Rodolphe et Le Tendre. Il dessine aussi Le Lièvre de Mars écrit par Patrick Cothias.

Dessinateur réaliste au trait précis et minutieux, Parras n’a pas son pareil pour camper un décor et installer une ambiance. Le Méridien des brumes est le premier scénario signé Erik Juszézak, né au Cameroun en 1959. Coup d’essai, coup de maître : pour ses grands débuts de raconteur d’histoires, ce dessinateur qui a troqué le crayon contre le stylo signe un album envoûtant. À suivre de très près…


Lointaine patrouille

Alexis Mac Coy porte l’uniforme gris de l’armée des Confédérés. Fait prisonnier par les nordistes, il est réhabilité à la fin de la guerre et, en raison de son courage, nommé sergent-major à Fort Apache où il retrouve son vieux copain Charley. Mac Coy fait la guerre, se conduit parfois en héros, mais ce qu’il préfère finalement, c’est siroter une bonne bouteille au calme. Il tente toujours d’entamer le dialogue plutôt que de foncer tête baissée et d’obéir aveuglement aux ordres.

Avec son visage de jeune premier, le lieutenant Mac Coy est un personnage très nuancé. C’est dans le mensuel LUCKY LUKE que sont publiées pour la première fois les aventures de Mac Coy (1974) avant de paraître dans TINTIN, PILOTE et CHARLIE MENSUEL.


Rester normal

Quelque part, il était écrit ou peut-être tracé (au pinceau) que Frédéric Beigbeder et Philippe Bertrand travailleraient un jour ensemble.

Le premier, fils de très bonne famille et publicitaire grassement rémunéré, traînait sa carcasse dégingandée et sa tête à claques au profil insensé, depuis une quinzaine d’années, de parties dégénérées en plateaux de télé, se racontant et écornant les siens dans des chroniques enlevées et des livres confidentiels. Jusqu’à cet hiver 2000 où il se retrouva propulsé en tête de liste des best-sellers. Avec 14,99 euros (99F pour les plus rétrogrades d’entre vous), amusant et cinglant mea culpa public sous la forme d’une charge contre l’horreur de la publicité, Frédéric Beigbeder s’achetait, à coups de bons mots et avec l’immense succès qu’on sait, une conscience. Et trouvait son public (400 000 exemplaires vendus en France et des centaines de milliers à travers le monde). Beigbeder avait désormais une fonction : celle d’ennemi intérieur, d’ahuri subversif, de Judas des rupins.

Des Beigbeder, Philippe Bertrand, artiste complet comme il aime à se définir, en a croqué des dizaines. Et surtout leurs innombrables copines de passage, sculpturales cochonnes et autres poules de luxe ultra branchées, notamment dans son oeuvre phare, Linda aime l’art, sommet de la bande dessinée érotico-intello des eighties. Une série de livres élégants où l’on copulait à toutes les pages, avec grâce mais sans entraves, tout en citant Hölderlin. Des recueils qui, soit dit en passant, ont beaucoup marqué l’imagination du jeune Beigbeder, initié petit à la BD avec Pif Gadget avant de faire le saut intersidéral dans la culture Metal (Hurlant, bien sûr).

Depuis dix ans, Philippe Bertrand, un peu lassé, boudait la BD. L’illustration, les livres pour enfants, les décors de théâtre ou de télé, la vidéo et l’architecture (on vous disait qu’il avait, en plus de son talent, de la ressource) l’accaparaient, le comblaient. Il a donc fallu deux désirs convergents, deux esprits complémentaires et une envie commune pour que Philippe Bertrand remette enfin ses plumes et ses aquarelles au service du 9e art.

En éternel touche-à-tout enthousiaste, Frédéric Beigbeder, incapable de se poser, de se couler dans le moule pépère et convenu de l’auteur à succès, souhaitait explorer, avec humour et distance mais non sans pertinence, les moeurs des riches. Des très riches qui vivent en Suisse, là où l’argent n’a ni odeur ni couleur à force d’être blanchi. Ces méga riches qui sont aux commandes du monde et qui, à peine voilés d’un paravent de respectabilité, incarnent le mal invisible et illimité, la décadence absolue. Le support BD lui paraît alors – tout naturellement, puisque ça fait autant partie de sa culture que la littérature -, le plus approprié. Car le plus poétique, le plus elliptique et, paradoxalement, à travers le dessin, le plus parlant. Ainsi évitera-t-il l’écueil du manichéisme (le roman, l’essai) ou la farce lourde (le cinéma). Sollicité, Philippe Bertrand, l’artiste tant admiré, répond illico présent. Et le couple instantané de s’atteler aussitôt, en tandem, à la réalisation de Rester normal, récit « formel et spontané » d’une journée, extraordinaire pour le commun des mortels, banale pour une famille de milliardaire genevois. Enfin, presque banale…

Rester normal, donc. Ou plutôt « Comment rester normal ? ». Cette question fondamentale, Junior, jeune homme né dans les milliards, se la pose. Son père est une belle ordure, un jet- setteur affairiste, avec toujours deux ou trois escort girls à ses basques. Sa mère, Nevrosa, est une call girl casée qui n’a d’yeux que pour ses gigolos et qui ne culpabilise jamais (ça donne des rides). Sa soeur, une clubbeuse internationale, est un peu homosexuelle et beaucoup anorexique. Cette famille de Picsou pour de vrai, vicelards et sexués, las et blasés, est revenue de tout. Mais reste toujours en quête de sensations nouvelles. Les plus extrêmes, les plus perverses, les plus meurtrières. Avec Junior, ils vont être servis au-delà de leurs espérances. Comme ils sont incapables de tous se retrouver dans leur château suisse à la fin décembre, le fils énigmatique aux faux airs de Houellebecq organise un repas de Noël en famille au mois de septembre. Les cadeaux bien sentis sont distribués comme autant de gifles et de fessées SM. La fête bat son plein, tout est, hum, normal, le champagne et la coke coulent à flots, Daft Punk joue en exclusivité dans le parc du château son remix inédit de La Chenille, les fils de sheiks jerkent avec les grues de luxe… On baigne dans l’hédonisme le plus total, la luxure ordinaire. À moins que tout cela ne mène quelque part, vers la tragédie la plus noire. Mais ça, seul le machiavélique Junior peut le savoir.

Pour se projeter – et nous aussi par la même occasion – dans l’ahurissante normalité de ces êtres effrayants mais pourtant bien réels, Philippe Bertrand a retrouvé cet univers esthétique qui lui est si familier. Et se délecte visiblement à dépeindre de son trait sensuel et de son subtil toucher l’environnement de ces apôtres immondes et fascinants du luxe dans tout leur cynisme et leurs excès: du raffinement le plus intense à la plus insondable vulgarité. Entre envie et dégoût, attraction et répulsion, à l’image de rapport infernal et pervers qui lie depuis toujours les artistes aux nantis, les uns vivant des autres et réciproquement.

Rester normal n’est ni une BD qui se la joue littéraire ni un roman orné de jolis dessins. C’est une oeuvre complète, savoureusement composée (et l’air de rien, pensée et documentée) à quatre mains et deux cerveaux un peu tordus, doucement caustiques et bigrement lucides. Philippe Bertrand et Frédéric Beigbeder, clairement sur la même longueur d’onde, se nourissent mutuellement de leurs délires, leurs fantasmes, leur sens de l’observation et leur vision spéciale de la géopolitique.Et si Beigbeder exploite comme rarement auparavant son aptitude pour la formule et l’économie de mots, le graphisme de Bertrand se révèle comme le plus parfait des écrins visuels.

Rester normal est beau, drôle, excitant, surprenant et terrifiant. Tout ce qu’on peut attendre d’un bon récit, des meilleurs romans. Est-ce pour cela que Frédéric le considère comme une oeuvre littéraire à part entière et espère, sans rire, qu’il figurera dans la liste des livres retenus pour le Goncourt (car un jour, il en est persuadé, le Goncourt sera décerné à une bande dessinée).

En tout cas, Rester normal constitue l’unique actualité littéraire de Beigbeder cette année (pour le reste, chroniques, télé, ciné, disque et autres divertissements, ne vous en faites pas, on vous l’a dit, il ne sait pas s’arrêter) et le grand retour de Philippe Bertrand à la bande dessinée. C’est ce que l’on appelle un événement. De qualité.


Rester normal à Saint Tropez

RESTER NORMAL est un défi dans notre monde anormal, surtout quand on s’appelle Junior Müller, qu’on est milliardaire en dollars, héritier d’un empire mafieux international, et qu’on décide de se reposer à Saint-Tropez. Ce charmant village n’est pas l’endroit idéal pour couper les ponts avec la drogue, les call-girls, les tueurs, l’argent et la célébrité.

Philippe Bertrand et Frédéric Beigbeder ont choisi de décrire la capitale du stupre, de la luxure et du yachting mondain à travers une intrigue politique et policière mêlant kidnapping à Sao Paulo et champagne à la Voile Rouge : oui, la vérité de cette planète se situe quelque part entre Largo Winch et Austin Powers. Frédéric Beigbeder auteur du best-seller 2002, Windows of the world, et Philippe Bertrand reviennent plus méchants et caustiques que jamais dans une satire hilarante de la jet-set et du nombril du monde Saint-Tropez.