Vacances de printemps

Où l’on retrouve Lapinot en héros romantique dans le cadre riant et quelque peu empesé de l’Angleterre victorienne.

Venu se reposer dans le cottage familial, Lapinot vit ses derniers instants de quiétude avant d’embrasser la carrière d’artiste peintre – sa vocation scientifique ayant été contrecarrée par sa mère qui considérait qu’avec un mari banquier, elle avait déjà assez de types barbants à la maison.

Mais voilà qu’au détour d’une rivière, il tombe sur Miss Nadia, le grand amour de ses cinq ans, et plonge aussitôt dans les affres de la passion – ou, comme dit son fidèle serviteur Alex qui manie fort bien la métophore :  » Monsieur est un jeune ruisseau qui dévale sa première pente raide. Ca secoue et ça clapote, voilà tout « .

Mais ses ennemis d’enfance, Mac Terry et Richardson, clapotent également pour Nadia. Et tous trois se lancent dans une parade de séduction parfaitement ridicule.

Pour la première fois, Trondheim a demandé à un scénariste de faire vivre son Lapinot. Frank Le Gall nous a taillé sur mesure, dans un langage châtié et un humour irrésistible, une aventure qui sent bon le Darjeeling et laisse une large place aux états d’âme alambiqués de Lapinot. En fait, avec son petit côté légèrement décalé et éternellement paumé – si bien traduit dans ses moindres nuances par une délicate gymnastique d’oreilles -, Lapinot le Rabbit était le héros romantique parfait, et on ne le savait pas.


Aberrations

Inutile de dire que ce troisième album est très attendu des lecteurs qui ont, d’entrée de jeu, plébiscité cette série d’aventure fantastique. Plus que jamais la tension est à son comble dans la région du Kilimandjaro. Les apparitions de monstres ont attiré l’attention des plus grandes puissances qui ont envoyé sur place des espions.

Que se passe-t-il réellement ? Kathy décide de découvrir la vérité coûte que coûte et repart en pleine savane chez le baron italien farfelu qui semble avoir découvert certaines choses inexplicables dont cet objet à moitié enfoui dans les profondeurs de son « château ». C’est ici aussi que d’épouvantables apparitions de monstres sembleront confirmer ce qui paraissait inconcevable… De plus en plus l’hypothèse d’une autre civilisation, sans doute venue de l’espace, s’avèrera probable.


Apparitions

Kenya, 1947. Les membres d’un safari conduit par Remington, un écrivain américain, vont de découverte en surprise. D’abord, un guerrier masai est dévoré par un fauve. Les indigènes incriminent Batoo, l' » homme-démon « . Puis un animal inconnu d’une taille gigantesque fait son apparition. Enfin, quelques jours plus tard, tous les participants au safari disparaissent corps et biens sans laisser la moindre trace. Une jeune femme, miss Austin, va tenter de résoudre cette énigme. Mais elle n’est pas la seule. Dans un monde plongé en pleine guerre froide, plusieurs grandes puissances s’intéressent de près à ces phénomènes surnaturels…

Avec  » Kenya « , Léo et Rodolphe entament une nouvelle collaboration tout en poursuivant leur série  » Trent « . On retrouve les ingrédients habituels des deux auteurs : chez Rodolphe, un savant cocktail d’aventure, d’action et de mystère. Chez Léo, ce goût prononcé des créatures imaginaires et de l’irruption du fantastique dans la réalité quotidienne.  » Cette fois, à la différence de  » Trent « , nous avons tout fait ensemble, raconte le dessinateur. Nous imaginons la trâme tous les deux, puis Rodolphe affine les personnages et fait le découpage et les dialogues. C’est vraiment enthousiasmant !  » Résultat ?  » Une histoire fantastique pleine de choses bizarroïdes… « , résume Léo. Et une vision de l’Afrique assez éloignée de ce que l’on peut lire habituellement. La preuve : ce n’est pas tous les jours que l’on découvre, perdu en plein coeur de la savane, un palazzo italien habité par un authentique représentant de la noblesse…


Coeur Tam-Tam

Installé dans sa cabane à l’écart de la ville, dans un coin de campagne française, Eugène Rabier coule une retraite paisible. Oh, il a bien ses petites contrariétés, comme tout le monde. Le maire veut à tout prix racheter son lopin de terre pour implanter une raffinerie, et les gosses se moquent un peu de lui. Mais dans l’ensemble, ça peut aller.

Jusqu’au jour où une bande de types cagoulés et armés jusqu’aux dents viennent le réveiller en sursaut. Ils sont à la recherche d’un livre qu’Eugène a écrit, il y a bien longtemps, à l’époque où il s’occupait d’une palmeraie en Afrique. Son titre ? Précis de culture de l’elaeis au Congo belge. Attention, ils ne rigolent pas : voilà deux ans qu’ils essaient de mettre la main dessus. Coup de chance, Eugène possède le seul exemplaire survivant. Mais il se demande bien pourquoi ce bouquin anodin – 14 exemplaires vendus, une vraie misère ! – suscite une telle convoitise… Coeur Tam-tam, ce n’est pas vraiment un polar.

Même si l’on croise quelques macchabées, un magot planqué, des coups de feu qui claquent et de vrais méchants. C’est d’abord une rencontre : celle entre un écrivain et un dessinateur. L’écrivain, c’est Tonino Benacquista. Auteur de polars comme La maldonne des sleepings ou Les Morsures de l’aube, scénariste pour le cinéma et la bande dessinée (L’Outremangeur et La Boîte noire, avec Jacques Ferrandez aux pinceaux). D’ailleurs, il n’aime pas tellement s’entendre qualifier d’  » écrivain  » ou de  » scénariste « . Il préfère dire qu’il  » travaille la fiction « , que  » chaque histoire possède sa forme propre et exige une manière d’être racontée s’imposant d’elle-même : roman, nouvelle ou scénario « . Le dessinateur, c’est Olivier Berlion, qui s’est fait connaître avec les sagas des Soupetard et des Sales Mioches.

L’histoire qui les a réunis est une nouvelle de quinze pages publiée par le premier, voilà une dizaine d’années, dans un recueil intitulé La Machine à broyer les petites filles. Un de ces textes qui faisaient naître des images dans sa tête et n’attendaient que de trouver leur prolongement visuel. Ensemble, ils ont composé une bande dessinée qui oscille entre réalisme et fantaisie pure. Avec quelques détours réjouissants par l’ethnologie amusante, la sociologie urbaine (ah, les relations de voisinage dans une petite ville de province, quel bonheur !), le joyeux délire et le polar classique de pure facture (dialogues savoureux dignes de Michel Audiard à l’appui).

L’Afrique vue par Benacquista et Berlion possède un petit air de Tintin au Congo plutôt rigolo – le maniement du second degré étant bien sûr fortement conseillé, ami lecteur. Bref, c’est un récit complet, dans tous les sens du mot. Les décors sont particulièrement soignés, servis par ce sens subtil de la lumière qui caractérise le travail d’Olivier Berlion. Eugène Rabier est tout simplement parfait, et sa renaissance fait plaisir à voir.

Dans Coeur Tam-tam, il y a de la nostalgie, de la tendresse, pas mal d’humour et un vrai suspense, mitonné aux petits soins par un Benacquista en grande forme. Mais jamais, au grand jamais, de cynisme, de mépris pour les personnages ou de  » morale de l’histoire  » (ou alors, peut-être, celle selon laquelle voler un voleur n’est pas vraiment du vol). À la fin, le lecteur se dit qu’Eugène Rabier a tout compris du bonheur. Lequel est finalement aussi simple qu’une partie de cartes à l’ombre d’un palmier africain, sous le regard protecteur d’un grand serpent à l’air nonchalant.


Portrait de l’artiste

Les fameuses Tranches de vie imaginées par Lauzier ne sont pas tristes. L’auteur, par ailleurs réalisateur de cinéma (Mon père ce héros et Le Plus Beau Métier du monde avec Depardieu), jette un regard lucide sur notre société dont Portrait d’artiste est la synthèse parfaite.


Iznogoud et les vacances du Calife

La légende raconte qu’à Bagdad la magnifique, un grand vizir répondant au nom d’Iznogoud, particulièrement mal intentionné, cultive l’ambition de ravir le trône du calife Haroun El Poussah. D’où son expression favorite qui revient sans cesse : « je veux être calife à la place du calife ! ». Secondé par Dilat Laraht, Iznogoud multiplie les tentatives les plus diverses et surtout les plus folles pour arriver à ses fins. En vain, bien sûr !

Fidèle à l’esprit des Milles et une Nuits version loufoque, les auteurs ont inventé cette série en 1962 pour RECORD. Mais c’est dans les pages de PILOTE (1968) qu’Iznogoud trouvera un réel succès Après un bref passage aux éditions Glénat, Tabary décide de s’auto-éditer en créant les éditions de la Séguinière puis les éditions Tabary. (12 albums).


Olga

Résumé des épisodes précédents : Isaac Sofer, peintre sans le sou, a embarqué sans trop réfléchir sur le bateau de Jean Mainbasse, ex-pirate qui espérait se couvrir de gloire en donnant son nom au pôle Sud. Isaac, lui, espérait faire fortune assez vite et rentrer à Paris épouser son Alice.

Maintenant, les espérances de gloire sont loin, et Jean Mainbasse est de très mauvais poil. Après avoir balancé à la flotte les marins suédois recueillis à son bord — c’est lui qui a découvert les terres de glace, pas les Suédois —, il s’en prend à Isaac parce qu’il porte la poisse. S’ensuit une catagne qui vire au carnage. Mainbasse rejoint les Suédois à la flotte, les morts suivent le même chemin, et il ne reste plus qu’à trier les blessés : ceux qu’il faut  » couper  » et ceux qu’on peut  » réparer « . Vu que le chirurgien est mort, c’est Isaac qui coupe et répare.

Pendant ce temps, après avoir délicatement papoté de choses et d’autres en buvant des coups, Alice et Philippe du Chemin Vert finissent par succomber à leurs charmes réciproques.

Quelques péripéties plus loin, Isaac et son copain Jacques, seuls rescapés de l’équipage, retournent aux Antilles. Après s’être fait jeter par la Clotilde rencontrée jadis dans les jardins du gouverneur (du temps où Jean Mainbasse était florissant, et lui aussi), Isaac harponne Olga, une étrangère assez attractive qui le met dans tous ses états : elle ne couche pas —  » Je promisse ma mama pas avant mariage  » — mais elle veut bien  » maik le pipe « . C’est très émotionnant, mais voilà que débarque un rival assez  » jalousse  » qui va  » pôt-être  » zigouiller Isaac.

Là, ça commence à bien faire. Et Isaac, perdu sur une plage avec Jacques (qui s’est fait mettre la tête au carré sans trouver de fille non plus), sait enfin ce qu’il veut :  » J’ai envie de rentrer chez moi. « 

Après une publication estivale (remarquée) dans Télérama, voilà Isaac plus paumé que jamais. Tout va mal et tout se dégrade, ce qui n’empêche pas l’hilarité — entre autres, la séquence chirurgie, avec  » réparation  » des blessés est irrésistible. Pour le reste, on a tout dit de cette série — charme et sensibilité, dessin formidablement expressif, découpage virtuose de l’action, drôlerie des dialogues — sans oublier une mise en couleur d’une rare beauté, signé Walter & Yuka.


La chanson de septembre

Sur les routes du sud-ouest de la France, Guéric « promène » sa DS coupée dans laquelle il transporte des livres anciens en écoutant du jazz. Guéric vit de ce petit commerce qui peut rapporter gros surtout lorsqu’il déniche une édition rare recherchée des collectionneurs.

Une vie presque de bohême qui lui convient tout à fait : pas de patron, pas de comptes à rendre. Un jour, dans le Lot, il est à deux doigts d’écraser un jeune garçon qui fait du stop. C’est l’automne, il pleut, et Guéric accepte finalement de conduire son passager – Alain, au caractère effronté – chez « sa tante », malgré la présence d’un animal encombrant – un furet – qui suit son jeune maître.

Arrivé sur place, Guéric se croit enfin tranquille, avant de découvrir que la maison est occupée par deux tueurs que l’on croirait tout droit échappés des Tontons flingueurs !

Et c’est au môme qu’ils en veulent : obligés de fuir, Guéric et son compagnon d’infortune prennent la route en catastrophe et apprennent à mieux se connaître. Mais quel secret cache Alain ?..


Souvenirs d’un jeune homme

Les fameuses Tranches de vie imaginées par Lauzier ne sont pas tristes. L’auteur, par ailleurs réalisateur de cinéma (Mon père ce héros et Le Plus Beau Métier du monde avec Depardieu), jette un regard lucide sur notre société dont Portrait d’artiste est la synthèse parfaite.


Opération Offshore

Une fille qui récite du Sun Tzu tout en s’entraînant au karaté mérite qu’on s’intéresse à elle, non ? Najah Cruz – c’est son nom – est justement du genre à ne laisser personne indifférent. Et pas seulement à cause de ses jolis yeux. La demoiselle est très convoitée : elle est chargée par les Américains de participer au projet Insider.

Une opération secrète de grande envergure, destinée à contrecarrer les visées des mafias du monde entier. Dans le premier tome, Najah découvrait la rudesse du climat tchétchène. Cette fois-ci, changement de température : la voilà en Afrique. Au Cabinda, plus précisément, petite enclave nichée entre le Congo et l’ex-Zaïre. L’ambiance est chaude, on s’en doute.

Il faut dire qu’un coup d’état se prépare. Raison officielle : libérer les Cabindais de la domination de leur voisin, l’Angola. Objectif inavoué : permettre à une multinationale, avec l’appui d’un homme politique français, de mettre la main sur les réserves de pétrole du territoire.

Najah est chargée de s’infiltrer auprès de Sam Natchez, l’homme d’affaires qui supervise le projet de putsch. L’ironie de l’histoire, c’est qu’elle vient de lui sauver la vie. Et qu’il lui demande de lui servir d’ange gardien… Thriller géopolitique, récit d’action, roman d’aventures… Quand la politique internationale s’invite dans la bande dessinée, cela donne naissance à Insiders.

Toute ressemblance avec des événements récents ne doit pas étonner : elle n’est évidemment pas fortuite. Ici, il est question de réseaux de pouvoir, de comptes secrets, de manoeuvres politiques et d’amitiés occultes. Avec, en toile de fond, des histoires de ventes de missiles (tiens, cela nous rappelle quelque chose…), de grands discours enflammés –  » Viva el Cabinda libre « , tu parles d’une rigolade ! – et de sordides luttes d’influence.

On navigue entre poules de luxe, intermédiaires véreux, ordures de première classe et aventuriers au long cours. Bref, rien que des personnages éminemment sympathiques, chauds partisans des petits arrangements entre  » amis « .

Evidemment, tous ces braves gens préfèreraient rester dans l’ombre de leurs trafics. Mais le scénariste, Jean-Claude Bartoll, ne l’entend pas de cette oreille. Son but, c’est plutôt de lever le voile sur les arrière-cuisines de la mondialisation.

Il sait de quoi il parle : ancien grand reporter, il a traîné ses guêtres dans bon nombre de coins chauds de la planète. On lui doit notamment quelques reportages d’investigation sur les narco-trafiquants de Colombie, les boat-people de Hong-Kong ou les mercenaires français en Afrique. Autant dire que sa vision de l’actualité va un peu plus loin que celle des infos télévisées…

Il lui suffisait de trouver un dessinateur doué d’un talent à la mesure de ses scénarios, et le tour était joué. Renaud Garreta, dessinateur du thriller aéronautique Fox one, a relevé le défi avec brio. Sa maîtrise des scènes d’action éclate dans ce deuxième tome – et pas seulement au figuré ! Maintenant, à vous de jouer : coupez la télé pour plonger dans Insiders.

Et rendez-vous à Islamabad dans le troisième tome…