Trente ans de manifs, trente ans de castagne. La vie d’Eugène Lacrymo n’est que stress et gnons – sans compter les injures : trépané de la balayette, foutriquet des roubignolles, morbac à chameau, cresson de chasse d’eau, et autres douceurs.
Les manifs de déménageurs, ça fait mal : ils commencent par expédier des broutilles, mais on arrive vite au piano à queue. Les manifs de petits artisans, ça a le mérite d’être varié : on rencontre des cordonniers, des maraîchers et des ramoneurs – ou plutôt, des godasses, des salades et des cheminées. Les manifs de tripiers, c’est tout à fait dégueulasse, et la surveillance de l’ambassade de l’Ousséksaszian, c’est explosif. A côté, le hooligan de base est plutôt confortable : il suffit de l’achever une fois qu’il s’est déjà » expliqué » avec ses copains. Déloger des extra-terrestres sans papier, c’est cruel, et empêcher les vieilles dames de nourrir les pigeons, c’est déprimant. Là, confronté aux gargouillements d’estomac du volatile, Lacrymo craque.
On dit que Cohn-Bendit apprécie la série, et partout où se déplace Achdé, il trouve toujours un CRS pour lui demander une dédicace. Ce qui prouve qu’il a bien fait de se pencher sur les déboires de cette corporation mal connue.
Un bébé, quelle merveille ! C’est ce que soupire la famille Déblok (star du Journal de Mickey) quand Caroline leur confie Félix, un amour d’un an, pour trois semaines. C’est court trois semaines, mais bébé mettra les bouchées doubles pour dévorer la bouffe du chat, faire sa sieste dans la machine à laver, réveiller la maisonnée toutes les deux heures avec une régularité qu’envie encore Big et balancer des platées de bouillie sur la tête de papa (ou du chien). En plus d’une bonne poilade garantie, le (la) lecteur (trice) pourra réviser utilement son parlé bébé. Pas évident. Par exemple, savez-vous traduire : » A papoter le toto à son babou poutoupiter les marounettes ! » Alors ? On fait moins le (la) fier (fière), hein ! Le dernier ouf poussé après le départ du cher ange, déboule tante Grisemine, venue chercher refuge pendant la durée des travaux dans sa maison. Gentille, tata, mais son amour immodéré pour les parquets qui brillent et les footballeurs qui fleurent bon la sueur est parfois difficile à supporter. Pour oublier ça, Edouard, le fiston, renouvellera sa garde-robe -la classe ! (tous risques)- et Charlotte, la fille, créera un groupe musical. Vous connaissez sûrement le Chip’s girls, le groupe qui à la frite ! Non ? Bizarre. En prime pour permettre aux jeunes et à leurs parents de frimer en société, l’auteur de La Vie en rose offre, gratos, l’intégrale du Corbeau et du Renard de La Tainefon en verlan. Comme quoi on peut être la première nana à souffler le grand prix de l’année du festival d’Angoulême aux garçons et aimer toujours rendre service.
Tante Grisemine ayant gagné un concours, toute la famille est invitée au club Tropico. L’ambiance est formidable : convivialité obligatoire, animateur hystérique, projets sportifs grandioses, anéantis dès le premier jour par un un petit déjeuner un peu lourd à digérer : pains au chocolat, saucisses, oeufs, fruits chantilly, etc. Mais tout est bien qui finit bien : tante Grisemine est élue Miss Tropico et, rentrés à la maison, les enfants retrouvent Choupinette et Truffo qui font la tronche.
La vie normale reprenant ses droits, Papa Déblok offre un ordinateur sophistiqué à ses rejetons et obtient un franc succès : ils s’éclatent comme des fous avec le carton, l’emballage à bulles et les flocons de polyester. Mais évidemment, tout n’est pas rose dans la vie des enfants : Edouard doit trouver combien coûte un bain dans une baignoire remplie aux 3/4 d’une eau à 24°, sachant que la taxe est à 13,2% avec un excédent de… Bref, il rame. Quant à Charlotte, pour le spectacle de fin d’année intitulé la Princesse et les champignons, elle croyait faire la princesse et elle fait un champignon. C’est dur, l’enfance.
Si les petits lecteurs du Journal de Mickey adorent ouvertement les Déblok, les grands lecteurs de Cestac (voir la Vie en rose) se régalent en douce avec les galères de la famille, qui ressemblent tant à celles de la vraie vie, en nettement plus poilant.
Rappelez-vous : Johan, héros moyenâgeux né sous la plume de Peyo en 1947, est un page très preux et valeureux, tandis que son copain Pirlouit, apparu en 1954, fait figure de boute-en-train. (Rappelons également que les Schtroumpfs les rejoindront dans la série en 1958 et leur voleront la vedette.)
Selon la tradition en vigueur dans le Dernier Chapitre, Johan et Pirlouit ont vieilli. Et Johan pourrait enfin goûter un repos bien mérité si Pirlouit ne continuait de brailler ses complaintes et faire miauler sa lyre aussi faux que jadis, la seule différence étant que, devenu sourd d’une oreille, il braille plus fort.
Mais bien des prodiges arrivent dans ces contrées mystérieuses, et l’impossible se produit : après avoir rencontré la Licorne, magnifique cheval blanc à corne d’or, voilà qu’au lieu de son chant à faire cailler le lait, Pirlouit émet une mélodie claire comme une eau de source. La Licorne aurait-elle enfin accordé à Pirlouit une belle et juste voix ? Ou à Johan des oreilles capables de supporter l’insupportable ?
En humour délicat et en couleur tendres, voilà un joli happy-end pour les copains des Schtroumpfs, dans un Moyen Age où tout le monde a pris un coup de vieux, y compris l’Enchanteur Homnibus qui, l’esprit « flottant désormais dans les nuages », consacre ses talents à mettre au point des recettes de confitures.
Si les petits lecteurs du Journal de Mickey (et les grands lecteurs de Cestac) aiment la famille Déblok au complet, ils ont un faible pour Truffo et Choupinette, respectivement chien et chatte de la maison. Ils vont être contents : les bestioles prennent le devant de la scène.
D’abord, Choupinette engendre une tribu de matous – Tartine, Moustache, Zipaton et Noisette – qui mettent le souk dans la vie de Truffo. Complètement stressé, Truffo ! Jusqu’au jour où les petits chats s’en vont : là, il nous fait une déprime. Dieu merci, il est subitement régénéré (le mot est faible) à la vue d’une caniche enrubannée. Ensuite, la même Choupinette trouve le moyen de tomber amoureuse d’un chat tartignole qui a tout de l’extra-terrestre, super-pouvoirs compris.
Et puis, divine surprise : les Déblok gagnent au Picaillon ! Devenus riches, ils se vautrent dans le merisier andalou et l’alpaga norvégien, avec déco chic signée Jean-Migris de la Framboise. Sans compter Chonchon de la Patoche, esthéticienne pour animaux, qui nous relooke les trois copains dans un genre atroce.
Cestac dessinant comme personne les états d’âme compliqués du chien et les roublardises du chat, cet album est un vrai festival. Ajoutez à ça les galères de la vie quotidienne, si consternantes dans la vraie vie et si poilantes chez les Déblok, et vous avez là un vrai remède contre la morosité.
Bob Morane symbolise le héros de BD parfait ! Rusé, costaud, aimant le risque, prêt à lutter contre le mal, ce célibrissime agent des services secrets envoie tout valdinguer sur son passage en compagnie de Bill Balentine, son inséparable compagnon d’aventure.
Eugène Lacrymo exerce le métier de CRS. Sa mission : faire régner l’ordre, quitte à distribuer quelques coups de matraque ici et là sur les individus qui viendraient troubler l’ordre public. Bien sûr le quidam n’est pas à l’abri de quelques bavures ou d’excès de zèle, mais dans l’ensemble les CRS décrits par Achdé sont plutôt sympathiques ! Une série humoristique qui se présente sous forme de gags en une planche. Alors lisez et circulez.
Nous retrouvons Eugène Lacrymo, premier CRS héros de bande dessinée, 25 ans de manifs, y compris Mai 68 : c’est là qu’il a rencontré Simone et conçu Gédéon (le fils post-baba-techno-funk en révolte) entre deux barricades. Mais le monde d’Eugène, c’est aussi le gang des petits vieux et Léon Ilievitch Molotov-Molotov, patron de bistrot qui s’est fait ravir sa fiancée 40 ans plus tôt par l’Ambassadeur de Russie. A propos de fiancée, « sous la rude écorce de la brute, le prince charmant reste vigilant », et Eugène, histoire de fêter son 25ème anniversaire de mariage, offre à Simone un Secrétaire Général de Confédération d’extrême-centre fraîchement réduit en purée mais encore vivant…
Il faut dire qu’écrabouiller le manifestant, c’est sa vie, à Eugène. Il a de la chance, tout le monde manifeste : les pêcheurs, les femmes au foyer, les derniers ours des Pyrénées, trois nymphomanes et même les toreros. Là, Eugène met le paquet parce que « l’abattoir en paillettes », c’est pas son truc. Tant et si bien qu’on lui remet la matraque d’or pour la 100ème bavure homologuée d’une année particulièrement fertile. Mais personne n’est parfait : la vraie bavure puissance dix lui a échappé. C’est Leveau qui a réussi à aplatir l’abbé Paul, incontestable chouchou national, d’un seul coup d’un seul.
Jonathan Cartland n’est qu’un paisible trappeur jusqu’au jour où sa vie bascule : sa femme Petite Neige, qui vient de lui donner un fils, est assassinée. Passé le goût de la vengeance, Cartland s’engage comme éclaireur de l’armée américaine et part à la découverte des espaces sauvages de l’ouest. Ce western tout à fait particulier est en plus un témoignage qui fait foi d’hommage au peuple indien. Le dessin de Blanc-Dumont, d’une rare finesse, excelle à reconstituer les paysages grandioses et à dessiner les chevaux dont qu’il apprécie particulièrement. Le scénario de Laurence Harlé est documenté, humain, riche en situations originales pour un western.
Cartland échappe aux conventions du « cow-boy », c’est un personnage qui lutte et doute, apportant ainsi une dimension supplémentaire à cette série. Le rythme de parution depuis 1974 est d’environ un album tous les 2 ans.
C’est l’hiver sous la neige. Soupetard retrouve son copain Ludo qui a piqué deux boulons à son père pour fabriquer un télescope au cours de M’sieu Latreille. Mais tout à coup, branle-bas de combat : Bastien annonce qu’ils se sont fait traiter de petits bras par l’escouade des requins-marteaux. Il faut laver l’affront.
Ça commence avec des boules de neige, ça finit avec une grenade qui explose à la figure de Ludo. Qui a lancé la grenade ? Voilà la question qui préoccupe les adultes, et à laquelle les gamins ne répondront pas, par solidarité – et accessoirement parce qu’ils n’en savent rien.
Mais la grenade fait remonter des souvenirs pénibles. Chez le coiffeur et chez l’épicier, on s’engueule ferme au sujet du taux de collaboration et de résistance de chacun, à l’époque… Et pendant ce temps-là, les mômes jouent à la guerre. Quand on est mort, on doit compter jusqu’à cinquante avant de se relever, c’est la règle. Et quand un blessé a son lacet défait, il dit pouce et on peut plus le tuer. Comme dans la convention de Geneviève, une » grosse bonne femme neutre » qui regarde et rouspète si on tue un blessé.
Heureusement, Ludo retrouvera la vue juste à temps pour admirer Saturne dans le télescope de M’sieu Latreille. Et s’il consent à se laver un peu, Bastien aura le droit de se promener avec la soeur de Soupetard jeudi prochain. Ce qui fait planer un fameux suspens sur cette série craquante, pleine de joie de vivre, d’humour et de vérité enfantine. A mettre absolument entre toutes les mains.