Déconfiture au chaudron

La voisine n’en peut plus. Ça fait exactement 441 gags que l’école Abracadabra lui tape sur les nerfs, et elle n’est pas au bout de ses peines.

Rien n’est jamais normal, avec eux. Quand ils font prendre l’air à leur copine la momie, elle se fait ramasser par les pompiers et se retrouve en réanimation à l’hôpital. Ils appellent leur balai Médor, et quand ils organisent une bataille de boules de neiges, elles se battent vraiment, avec KO technique. Quand Monsieur Balthazar se rend à un congrès de magie, il part à la chasse au noeud papillon, histoire d’être présentable. Et si la tribu rend visite à quelqu’un, c’est au comte Dracula, qui a quitté sa Roumanie natale pour s’installer dans une caravane.

Sans oublier toute la collection de monstres qu’ils font surgir à tous les coins de rue, et leur copain le dragon cracheur de feu qu’ils prêtent aux pompiers pour l’entraînement des nouvelles recrues…


Frères de cendres

« Pétard de Diou ! » Les gens meurent beaucoup dans la bonne ville d’Arles ! Petrus Patarouste est écrabouillé par un moellon de l’Abbaye de Montmajour, Calixte Coudoux pend au bout d’une corde, Bénezet Mornetoise flotte dans le Rhône. Quarante ans plus tôt, ils faisaient partie du même groupe de copains, et, sur les trois cadavres, on retrouve la même carte postale avec huit allumettes, dont une grillée pour le premier, deux pour le second, etc. Tout ça laisse à penser que les choses ne vont pas s’arrêter là.

En effet, la série continue, le groupe s’amenuise et les survivants paniquent. On peut même dire qu’à force de fuir leur destin, ils l’accompliront eux-mêmes. Et quand Dick Hérisson élucidera le mystère, toute une tragédie remontera du passé, avec une petite silhouette malheureuse, prête depuis bien longtemps à craquer la dernière allumette…

A sa manière tendre et farfelue, Savard renoue avec le charme rocambolesque des feuilletons « années trente ». Pas de temps morts, pas de blabla, juste la parfaite horlogerie d’un engrenage infernal, avec des personnages bien campés dans leurs chaussures et des décors qui parlent : la salle de classe sent la craie, le bistrot sent le Picon, la peur rampe sous les vieilles pierres chauffées par le soleil d’hiver. Harry Dickson (ancêtre putatif de ce drôle de Hérisson) serait ravi, il adorait cette ambiance : un zeste d’horreur, un soupçon de folie et une pile de cadavres.


Bouge tranquille !

Quoi de neuf sur les Alpages ?

Tout d’abord, une remarquable étude sur le stress du piaf au moment où la brebis, par tension-détente d’une branche qu’elle veut brouter, catapulte ledit piaf à l’autre bout du paysage. En clair : c’est surtout visuel et graphiquement parfait.

Sinon, c’est la routine : nouveau pull pour Athanase (très joli, orné de croissants) et kidnapping de son outil de travail (le béret) ; cogitations inspirées sur le thème : la dialectique peut-elle casser des briques et la sémantique des parpaings ? Représentation d’une tragédie en cinq actes de Corneille – Foxy Corneille, pas l’autre. Débarquement des normes européennes et de la circulaire E-220 concernant la longueur de pattes des bestiaux et le calibrage des flocons de neige ; déprime saisonnière de la brebis Tranxenne, etc.

Avec ce douzième album montagnard, F’Murr atteint des sommets dans l’art d’accommoder les stupidités de la vie ordinaire. Maniant avec désinvolture la loufoquerie intégrale et le beau langage, il nous offre en prime un dessin éblouissant de sobriété et de drôlerie.


Sabotage et pâturage

Entre terre et ciel, très haut dans les alpages, juste en dessous des nuages, vivent des héros créés et dessinés par F’murr. Athanase, berger pensif et rêveur, réunit autour de lui des brebis dotées d’un quotient intellectuel élevé, un bélier adulé nommé Romuald, un chien heureux de sa condition de gardien, une jolie bergère court-vêtue et une quantité d’autres personnages en visite sur les sommets. L’amateur de BD reconnaîtra parmi eux des dessinateurs, des critiques, des journalistes, des éditeurs tous croqués par F’murr avec humour et mis en scène en quelques planches dans des situations absurdes et drôles.

Car la série Le Génie des Alpages est un chef d’oeuvre du non-sens, dessiné d’un trait original, léger, plein de charme. L’auteur fait preuve d’une imagination débordante assez rare dans la BD moderne. Cette transition réussie entre la nostalgie des années 50 et la BD contemporaine a rencontré un très grand succès dès ses débuts, en 73, dans les pages de PILOTE.


Monter descendre ça glisse pareil

Abus de grand air ?

Overdose de sérénité bucolique ? Voilà quatre ans que F’Murr nous a laissés sans nouvelles des Alpages, avec cet autocar qui planait dans le ciel. Il plane toujours et son chauffeur est au bord de la crise de nerfs. A part ça, tout va bien : les brebis sont toujours cinglées, bien qu’elles se situent – d’après F’Murr – un peu plus fermement dans le réel. Exemple : elles sont inscrites sur les listes électorales.

Exceptionnellement, elles se rendent en ville, honorer la mémoire d’un héros (régional) de la révolution : Aignan Morutier Dechampdemars qui s’employa, dès 1788, à stocker des kilomètres de textile tricolore… A propos de textile, le berger Athanase arbore ici une formidable collection de pull-overs – ce qui devrait encourager ses brebis, bien souvent désoeuvrées, à pondre de la laine. D’autant plus qu’on leur impose une concurrence sauvage sous la forme d’un alpage qui crache à la gueule de tout le monde pendant quatre pages. Ce clin d’oeil à Tintin est accompagné d’un clin d’oeil aux Peanuts, et plus particulièrement à Lucy qui, un jour, avait mis sur diapositives tous les petits défauts de Charlie Brown : ici, c’est le chien qui projette en « holographie » la cosmographie intime d’Athanase : son premier opinel, sa première cuite, la première vache qui l’a coursé, etc.

Détail frappant : les Alpages sont plus peuplés que d’habitude : on y croise entre autres quelques touristes qui ne sont pas près de revenir, un sphynx égyptien exhumé par hasard, le Captain Achaboz et sa baleine blanche, et quelques échantillons de serpents, ours et saumons norvégiens égarés là pour cause de catastrophe écologique déclenchée par Romuald le bélier, dont on peut noter en passant que son QI ne s’est pas amélioré d’un iota.

Bref, comme les neuf précédents, ce dixième album nage en pleine hystérie, avec une joie de vivre, un sens de l’absurde et une intelligence qui vous laissent pantelant. Et puis, retrouver les alpages, c’est retrouver, sans l’ombre d’un doute, l’un de nos plus grands dessinateurs.


Y’a plus de saison

Fred est un auteur unique. Que ce soit avec Philémon (un chef-d’oeuvre de poésie et d’invention), avec ses contes singuliers ou ses dessins d’humour, Fred nous remplit l’esprit d’images et de mots que l’on oublie pas de sitôt. Un auteur qui a inventé un language, un style.


C’est pas sorcier

Revoilà Am, Stram, Gram, Pic et Pik et Colegram, les élèves de Monsieur Balthazar, unique professeur de cette merveilleuse école où règnent la pagaille et la joie de vivre.

Par exemple, le cours de télépathie permet de convaincre la célèbre boucherie Sanzot de vous expédier 10 kilos de côtes de boeuf. On peut jouer aussi à « Chéri, j’ai rétréci la voisine ». Et à propos de voisine, il semble que ce soit l’escalade : les enfants ne la laissent plus souffler une minute. Si elle prépare la pâtée de son Kiki adoré, le Kiki se met à réclamer du foie de veau à l’ail dans un langage pas très châtié. Et son Edmond de mari qui trouve tout ça normal, qui les invite même à se baigner dans son aquarium ! Quand elle l’appelle au secours, il répond « mais non » et replonge dans son journal. Franchement, au dernier gag (excellent), la pauvre frôle la dépression nerveuse…

Une bouffée de bonne humeur qui perpétue la tradition difficile du gag en une page, fait la joie des petits lecteurs de Mickey chaque semaine, et peut-être bien de leurs parents.


Cythère l’apprentie sorcière

Une nouvelle histoire de Fred, pleine de magie et de poésie, qui ravira les fans de l’auteur de Philémon.

Le métier de sorcière en onze leçons… Voilà ce que sa grand-mère apprend à la facétieuse Cythère ! Une véritable histoire de sorcière avec de la magie et de la poésie ! Initialement publié dans le journal Pif, cet album devenu introuvable est à part dans l’oeuvre de Fred, car il s’adresse autant aux enfants qu’aux adultes. Cette nouvelle édition est enrichie d’une histoire écrite par Fred et chantée par Jacques Dutronc en 1970, La voiture au clair de lune, mais aussi de plusieurs documents inédits.

Un univers rempli de magie et de poésie : une belle occasion de découvrir une nouvelle histoire du fabuleux auteur de Philémon.


Viva Villa


Maeve

Juillet 1801. Un ancien militaire français, errant en Irlande, découvre dans les landes désolées du Connemara, un cairn très ancien. Au fonds des grottes qu’il dissimule, repose le corps d’une femme-guerrier parée de bijoux. L’homme les lui arrache et s’enfuit tandis que les parois s’effondrent derrière lui. Quelques instants plus tard, il ne reste rien du cairn…

La revente du trésor volé assure la fortune de celui qu’on ne connaîtra désormais que sous le nom de John Hatcliff. Sur la lande désolée, il fait construire un superbe château qu’entoure bientôt un parc luxuriant. Alors que, depuis des siècles, sur cette terre désolée, ne poussaient guère que des cailloux ! Les fêtes succèdent aux fêtes dans ce site enchanteur. Jusqu’au jour où, dans l’explosion d’une fusée de feu d’artifice, le châtelain disparaît sans laisser de trace.

Juillet 1923. La jolie Émilie perd son travail de danseuse au Moulin-rouge et son petit ami dans la même soirée. Alors qu’elle a le moral au fond des ballerines, un mystérieux notaire lui explique qu’en tant qu’unique héritière de John Hatcliff, le manoir du Connemara lui revient de droit. Emilie embarque pour l’Irlande. Mais qui est l’homme qui semble manipuler le notaire ? Qui sont les tinkers, ces romanichels qui campent tout près du manoir ? Qui est vraiment la vieille lady Darkmooth qui occupe la vieille demeure en compagnie de Meghan, une rousse incendiaire ? Pourquoi des êtres immatériels dansent-ils, la nuit, dans les marais ? Et surtout, Maeve, la reine morte, et John Hatcliff qui la dépouilla cent-vingt ans plus tôt, sont-ils ils vraiment morts ?

Les mondes de Florence Magnin glissent comme des rêves entre légendes et réalité. Son dessin fin, délicat et élégant illustre à merveille ces univers où fantastique et merveilleux se mêlent en dégageant un parfum unique.