Achdé – qui pensait effectuer un an et demi de coopération au Yemen, en souvenir des livres d’Henry de Monfreid – rentre en France pour faire ses classes à Aix-en-Provence ! Il rejoint le service de santé aux armés, puis, libéré, il reprend son métier de manipulateur en électroradiologie. Mais le dessin titille cet amoureux de bande dessinée, fervent lecteur du magazine mythique Mad. Il laisse traîner quelques crobards dans la salle d’attente du cabinet, pour le plus grand bonheur des patients venus passer une radio. Il faut dire qu’il est tombé tout petit dans la marmite de la BD. La « faute » à Morris, à Lucky Luke et à la scène mythique du duel au poker dans l’album Le Juge, qu’il découvre à l’âge de 4 ans en lisant un numéro de Spirou. À 7 ans, Achdé dérobe une partie de l’argent de la quête, à l’église, pour s’offrir son premier album de Lucky Luke ! Mais que les tenants de la morale se rassurent, le jour où il a repris la série, il est retourné sur les lieux pour mettre l’équivalent de la somme dans le tronc !
La suite est connue. Elle appartient à l’histoire contemporaine de la bande dessinée : après les années de galère, la création d’une petite agence de pub, les premiers dessins publiés dans Midi libre, la signature d’un contrat avec Dargaud le jour de ses 30 ans, le succès avec la série CRS = Détresse, c’est, enfin, la consécration avec la reprise de Lucky Luke.
« À mes débuts, je montais à Paris une fois par an pour présenter mon dossier… que tous les éditeurs refusaient, avec les prétextes les plus divers. L’un d’eux, très connu, m’avait dit : « Le gros nez, c’est terminé… » Je crois que c’est ma ténacité qui m’a permis de continuer ! », raconte Achdé. En effet, il n’a jamais baissé les bras, même pas quand il a tout perdu lors des inondations à Nîmes en 1988. De toute façon, dès l’école maternelle, son avenir était écrit. Le jour où la maîtresse lui avait demandé ce qu’il ferait plus tard, sa réponse avait fusé, aussi rapide qu’un cow-boy dégainant son six-coups : « Je veux dessiner Lucky Luke ! »