Christophe Blain naît en 1970 et se met à dessiner très vite. Mais pas de BD : pour les cases et les bulles, il a la flemme. Et il ne compte pas en faire un métier : « J’ai toujours dessiné, mais ça me semblait inaccessible. Les choses que j’aimais, j’imaginais à peine qu’elles étaient faites par des êtres humains. » Donc, il essaie d’autres voies. Par exemple, trois semaines en fac de droit. Ça lui apprend au moins une chose : c’est « trop chiant », et le dessin est décidément la belle solution. Mais toujours pas la BD. À 17 ans, après avoir passé son enfance à potasser « Lucky Luke » et « Tintin », il se détourne de la BD pour s’intéresser à la peinture.
En 1989, il entre dans une école genre « arts appliqués ». À l’époque, c’est très chic d’être directeur artistique dans la pub. Lui, il veut être dessinateur dans la presse et l’édition. Son prof lui demande : « Et tu veux faire barman le jour ou la nuit ? » Bref, il se fait virer.
Puis, il passe un an aux Beaux-Arts de Cherbourg, immergé dans l’art contemporain « méchant », les sculptures conceptuelles et les mémoires sur Andy Warhol ou Christian Boltanski. Lui, ceux qu’il aime, c’est Pablo Picasso, Henri de Toulouse-Lautrec, Pierre Bonnard, Valentin Serov, Ilya Repine, Gustave Doré et Honoré Daumier.
En 1991, il part à l’armée avec l’idée d’en tirer un carnet de voyage sur la vie des troufions. Il se retrouve matelot. Comme Guibert dans « Le Réducteur de vitesse » (Dupuis, 1999), il est tout le temps malade et, comme Isaac sur son bateau pirate, il dessine tout ce qu’il voit. Il en ressort avec « Carnet d’un matelot » (Albin Michel, 1994). (Le musée de la Marine est son musée préféré.)
. En 1997, il part sur une base scientifique au pôle Sud, en terre Adélie. Il y vit un rêve de gosse : des camions, un hélicoptère et des manchots partout, comme des poules dans une basse-cour. Il en revient avec « Carnet polaire » (Casterman, 2005).
Entre-temps, sa rencontre avec Joann Sfar, Lewis Trondheim, David B. et Émile Bravo à l’atelier des Vosges, lui a (enfin) donné envie de faire de la BD. Ils ont la même manière d’envisager le récit : l’intimisme et les complexités humaines glissés dans un cadre épique – ça devient presque une école.
En 1999, après avoir dessiné sur les scénarios des mêmes David B., Sfar et Trondheim, il se met à écrire des histoires — l’une de ses préoccupations majeures étant : « Qu’est-ce que c’est, un mec bien ? » Et il a le sens de l’émotion : à la fin du tome 2 d' »Isaac le pirate », il tue Henri, son personnage préféré. « Il le fallait parce que si on tue quelqu’un dont on se fout, tout le monde s’en fout. » Pour la suite de l’histoire, il hésite. « Quand j’ai commencé, je savais qu’Isaac allait revenir. Maintenant, je ne sais plus. Je veux qu’il continue le voyage, c’est tout. » Et tout ça lui réussit : il récolte le prix du meilleur album d’Angoulême en 2002, pour le premier tome d' »Isaac le pirate », justement.
Ainsi, Blain continue de voyager pour recevoir les nombreux prix qu’on lui décerne partout dans le monde, à Montreuil, à Brive, à Genève, à Angoulême, à Saint-Étienne, à Vincennes, etc.
Il poursuit « Isaac le pirate »(Dargaud, « Poisson Pilote », cinq tomes à ce jour) et envisage d’autres carnets de voyage.
Dans la collection « Poisson Pilote » paraissent également les trois premiers tomes de la série « Socrate le demi-chien » et de « Gus », son autre série. Un quatrième tome sortira en 2017.
En 2008, Blain s’essaie à la réalisation avec le clip vidéo du single « Comme un Manouche sans guitare », de l’album éponyme de Thomas Dutronc (Mercury Records). Il est également l’auteur de l’affiche du film « Tournée », de Mathieu Amalric (2010).
En 2010, il crée l’émoi dans toute la France avec son album « Quai d’Orsay » (Dargaud). Abel Lanzac alias Antonin Baudray, avec lequel il cosigne le scénario, lui confie ses expériences au ministère français des Affaires étrangères lors de l’ère Villepin ; il les retranscrit avec humour dans cette oeuvre originale.
En 2011, il réalise les illustrations de l’album « Je suis au paradis » (Tôt ou tard), de Thomas Fersen, et nous offre la suite de « Quai d’Orsay » (Dargaud). En 2011 il sort chez Gallimard En cuisine avec Alain Passard.
En 2013, Quai d’Orsay reçoit le prix du meilleur album lors du festival d’Angoulême, et un film adapté de la bande dessinée sort la même année (réalisation Bertrand Tavernier). Toujours en 2013 il sort chez Gallimard le livre CD La Fille avec Barbara Carlotti et il travaille actuellement sur la suite de Gus et d’Isaac le pirate.