Jean-Michel Charlier naît le 30 octobre 1924 à Liège, en Belgique. À 5 ans, il découvre Tintin et, déjà, invente quelques aventures de son cru pour Pitche, héros d’une BD publiée par la ‘Libre Belgique’.
Étudiant en droit à l’université de Liège, il dessine dans ‘Spirou’, où, en 1947, avec Victor Hubinon et Georges Troisfontaines, il crée « Buck Danny ». Il écrit le scénario, dessine les avions et les bateaux, tandis qu’Hubinon se charge des personnages…
Promu docteur en droit, il choisit la bande dessinée et part conquérir Bruxelles avec quelques hurluberlus, parmi lesquels Albert Weinberg et Hubinon. Entassés dans une baraque précédemment occupée par toutes les armées de passage, ils partagent, pendant trois ans, sommiers, matelas, hamacs, spaghettis et descentes hebdomadaires de la police. D’abord vexé, Charlier finit par écouter les conseils de Jijé et abandonne le dessin pour le scénario.
Après la publication simultanée de trois albums de « Buck Danny », Charlier rassemble ses économies pour passer deux brevets de tourisme : il pense depuis un moment que, pour parler d’avions, il est plus sérieux de savoir piloter. Mais voler coûte cher et il décide de devenir pilote professionnel. Avec Hubinon, il retape un vieil avion déniché dans un surplus en Angleterre, décrypte les figures de voltige dans un manuel de l’armée belge d’avant-guerre et, ensemble, ils passent aux travaux pratiques : l’un fait de la voltige pendant que l’autre juge de l’effet produit. Ils décrochent le brevet et gagnent désormais leur vie en volant le week-end, consacrant le reste de la semaine à la BD.
Pendant la guerre de Corée, la compagnie aérienne belge Sabena engage Charlier comme copilote de DC 3 et de Convair. Au bout d’un an, trouvant que le métier de pilote de ligne ressemble énormément à celui de conducteur d’autobus, Charlier l’abandonne et s’installe à Paris.
Entre-temps, avant le succès de « Buck Danny » en 1948, il crée de nouvelles bandes dessinées ou reprend le scénario d’anciennes séries : « La patrouille des Castors », avec Mitacq ; « Marc Dacier », avec Eddy Paape ; « Mermoz » et « Surcouf », avec Hubinon ; « Les aventures de Jean Valhardi », avec Joseph Gillain puis Paape.
Il rencontre Goscinny à Bruxelles et Uderzo à Paris. Ensemble, ils décident de promouvoir le métier et rédigent une charte des dessinateurs, qui leur vaut de se retrouver sur le pavé du jour au lendemain. C’est le retour des vaches maigres, jusqu’à la création d’Édifrance et la naissance, en 1959, de ‘Pilote’.
Pour le même magazine, Charlier imagine les personnages de Tanguy, Laverdure et Belloy, avec Uderzo ; de Barbe-Rouge, avec Hubinon ; de Jacques le Gall, avec Mitacq ; de Guy Lebleu, avec Poïvet. Il écrit aussi les dialogues de « Tanguy et Laverdure » et du « Démon des Caraïbes », devenus des feuilletons diffusés sur Radio-Luxembourg.
Après un démarrage foudroyant, ‘Pilote’ connaît quelques déconvenues, dont un passage suicidaire par la mode yé-yé, avant de renaître plus fermement sous la corédaction en chef de Charlier et Goscinny.
En 1962, 1964 et 1965, Charlier entreprend trois tours du monde – lors du premier, il découvre l’Ouest américain et son histoire, ce qui lui donne l’idée d’une BD. Il en propose le dessin à Jijé qui lui conseille un de ses élèves, Jean Giraud. Ainsi naît la fameuse série « Blueberry ».
Mais la vraie « détente » de cet aventurier, c’est de tourner pour la télévision : l’adaptation des dialogues des « Chevaliers du ciel », entre autres, lui donne l’occasion de survoler le Pérou en hélicoptère et de manger du singe fumé en Amazonie… En 1972, il crée « Les dossiers noirs », pour France 3, une grande série d’enquêtes consacrées à des personnages ou à des événements sur lesquels plane encore un mystère : l’affaire Stavisky, Al Capone, les assassinats de John et de Bob Kennedy ou celui de Martin Luther King… Recherches, scénario, tournage, interviews, montage, commentaires, mixage – il fait tout lui-même, avec son enthousiasme et son talent habituel.
Auteur surdoué, apparemment infatigable et particulièrement prolifique – au total, plus de 500 scénarios et dialogues, pour des bandes dessinées et des feuilletons radio ou télé –, Charlier est décédé le 10 juillet 1989.