Vers 1969, on a découvert ma surdité, maman n’y a pas cru ! Le médecin n’a pas été gentil avec maman, il lui a dit que je n’entendrai jamais et je ne parlerai jamais !…
En 1970, à l’école maternelle, on m’a placé chez les nonnes à Fougères en me séparant de maman toutes les semaines. Bah oui, faut bien que je m’adapte à la société ! Les nonnes ont été gentilles avec moi. J’ai fait connaissance avec les espaces vides et froids, les lits et les croix bien boisées.
Ce sont les années les plus longues de ma vie. Je ne peux pas grandir tranquillement.
Enfin en 1974, heureux de retrouver maman ! A 8 ans, la passion de dessiner est née !
Et la confiance avec ! Eh oui j’ai pu grandir un peu…
A 14 ans, j’ai sauté de joie : j’ai pu aller aux beaux arts de Rouen avec les entendants ! Même si je ne comprenais toujours pas de quoi ils parlaient, au moins ils étaient à côté de moi à dessiner et à peindre.
Après la 3éme, j’espérais passer en seconde pour préparer le baccalauréat Arts Plastiques. Bah non ! On m’a privé de ces études ! J’ai été obligé de faire 4 ans pour avoir le niveau bac D (sciences et physiques) spécialisé pour les personnes sourdes à Nevers. C’est le seul choix qui me restait pour pouvoir rentrer, plus tard, en études supérieures d’arts graphiques.
Ouf ! A l’école d’Olivier de Serres (Ensaama), j’ai pu rentrer pour la première fois dans le monde des entendants ! Ouh là là, mes efforts se sont multipliés. Je suis un gros demandeur de lecture labiale et d’écrit au cas où ça ne passe pas entre moi et les autres.
En 1989, j’ai le BTS en poche avec l’aide d’un interprète. C’est une belle revanche ! A cette époque, ce n’est que le début pour l’insertion des interprètes !…
Malgré la surdité, la lecture et l’écriture viendront petit à petit durant mon adolescence. La lecture a eu une place très importante pour mon avenir. Elle m’aide à mieux comprendre la vie et la société. La lecture picturale ne me suffisait pas, j’ai découvert alors avec merveille et joie Le petit Nicolas de Goscinny et les aventures de Jules Vernes.
Quant à mes 24 ans, ma première bédé Jeepster apparaît enfin sous le pseudo Francard. En 1992, j’ai crié au petit monde des sourds « Je suis sourd et Dargaud m’a donné ma chance ! »
Comme j’ai pu progresser pendant 10 ans dans la bande dessinée grâce à Froideval (Fatum et Anamorphose), j’ai demandé à Léo, s’il pouvait me proposer une nouvelle série.
Oui ! J’ai crié, une nouvelle fois, au petit monde des sourds « Je suis sourd et Léo m’a donné ma chance ! »
Voilà mon nouveau pseudo : Icar ; cette fois ci, il ne faut pas que je vole trop près du soleil !
Les aventures continuent toujours …