Grâce au frère de Joseph Gillain, Henri, qui habite à Tamines, il fait la connaissance de l’auteur talentueux de « Valhardi » et « Jerry Spring ». Lambil se rappelle très bien d’une anecdote qui fut le déclic de sa vocation : « Tiens, m’avait dit Jijé, dessine mes lunettes. Ce que j’ai fait ! En regardant le résultat, il a souri et a remarqué : ça, ce sont des lunettes, ce ne sont pas mes lunettes ! » Belle leçon d’observation.
L’adolescent apprend le métier sur le tas au bureau de dessin des Éditions Dupuis en effectuant de la mise en pages, des modifications aux bandes dessinées remontées pour la collection « Gag de Poche », des petites animations ou des illustrations pour les magazines de la maison, tels que LES BONNES SOIRÉES.
Avec l’assistance de Henri Gillain pour le scénario de son premier récit, il devient enfin collaborateur régulier au journal de SPIROU, en 1959, avec les aventures d’un jeune garçon et de son kangourou, « Sandy et Hoppy ». Sans jamais visiter l’Australie mais en se montrant d’une authenticité de plus en plus affirmée grâce à la documentation rassemblée, il en réalisera vingt-cinq grands épisodes.
En parallèle, il dessine quelques « Oncle Paul » et s’amuse parfois à composer des parodies de son univers particulier avec les fantaisies animalières du kangourou « Hobby » et de son ami Koala.
En 1972, après le décès du dessinateur Louis Salvérius (Salvé), il reprend avec succès « Les Tuniques Bleues », une série lancée en 1968 par celui-ci et le jeune scénariste Raoul Cauvin. Il se trouve ainsi en charge de la destinée graphique des deux truculents héros, Blutch et Chesterfield, chevauchant dans un milieu dont il ignore presque tout ! Que cela ne tienne : Lambil va se documenter et montrer une ténacité extrême pour réussir la gageure proposée. La mort dans l’âme, il sera bientôt obligé d’abandonner Sandy devant le succès croissant de sa nouvelle série.
Dans le cadre de la rubrique « Carte Blanche » de SPIROU, Lambil et Cauvin esquissent en 1973 un personnage parodique et quasiment autobiographique : « Pauvre Lampil ». Le succès les contraint à en faire un début de série, qui dépeint la vie quotidienne (et les avatars) d’un dessinateur de bande dessinée et de son entourage. Nombre d’anecdotes y sont plus qu’authentiques ! « Au fil des années, confie Lambil, c’est devenu une sorte de bêtisier de tous les malheurs qui arrivent aux auteurs de chez Dupuis. »
Le malchanceux Lampil disparaîtra toutefois en 1995, après sept albums, étouffé par la demande croissante de nouveaux épisodes des « Tuniques Bleues » et leur immense succès : plus de quinze millions d’exemplaires vendus chez Dupuis!
Quasiment enchaîné à sa table à dessin depuis quarante ans, il a longtemps été un des dessinateurs les plus productifs de l’hebdomadaire, réalisant près d’une centaine de planches par an. « Comme je travaille chez moi, je suis un paresseux culpabilisé. C’est pour ça que je travaille tous les jours. Le dimanche, je fais mes corrections. L’usine où je travaille, en fait, c’est ma maison ! »
Le Grand Prix Saint-Michel 2006 a été attribué à Willy Lambil, auteur des « Tuniques Bleues », pour l’ensemble de son oeuvre.