Hélas, celui-ci, excellent élève, gagne un album de SPIROU en collectionnant des bons points à l’école. Le mal est fait : il sera dessinateur de bande dessinée ! En attendant, pour gagner sa vie, il quitte l’école technique avec un diplôme en « électronique et automatismes » pour travailler dans une entreprise de chauffage, puis entre dans un des bureaux d’études des ACEC, à Charleroi.
Pendant quelques années, il collabore à divers fanzines belges. En 1977, il remporte un concours de BD à Cheratte, le fief de Walthéry et de Mittéï. Ce dernier voudrait l’engager comme assistant. Rebuté par les horaires nocturnes de travail du solliciteur, Laudec préfère la sécurité à l’aventure : il continuera à étudier les divers types de matériel électrique durant la journée, mais consacrera ses soirées et week-ends à illustrer pour SPIROU « Les Contes de Curé-la-flûte », un scénario rétro de Mittéï. Il collabore ensuite avec Walthéry pour les décors de « Natacha » et d’un album du personnage liégeois « Tchanchès ».
En 1986, lorsque son patron le convoque pour lui demander, non pas de prendre la porte (ce à quoi s’attendaient tous ses camarades), mais de lui dédicacer un de ses albums, il comprend qu’il peut enfin se consacrer entièrement à ses premières amours. Le public est là, prêt à le soutenir ! Son médecin abonde dans ce sens en diagnostiquant un sérieux surmenage. Il doit choisir entre son métier sérieux et son travail pas sérieux s’il veut s’en sortir sur le plan physique.
Encore rédacteur en chef du journal de SPIROU avant de monter à de plus hautes fonctions éditoriales, Philippe Vandooren le met en contact avec Cauvin, scénariste productif des Éditions Dupuis. Cette fois, le courant passe. Ils s’étaient déjà rencontrés à l’époque où Laudec cherchait encore sa voie. (Cauvin avait eu ce mot : « On dirait que vous dessinez avec une mitraillette dans le dos, tellement vos dessins sont raides! »). Le dessinateur lui soumet en vrac des croquis de personnages divers. Ils flashent sur un gamin.
L’idée qui les réunit fait l’unanimité : raconter les aventures d’un garnement, de sa famille et de son école, soit un univers quotidien, bien vivant et toujours renouvelable. La recette est bonne, car la série « Cédric » compte désormais parmi les best-sellers vendant plus de cent mille exemplaires à la nouveauté. Et le dessinateur y glisse quelques « private jokes » qui échappent à la moyenne de ses lecteurs, mais pas à son entourage. Ainsi, Mlle Nelly, l’institutrice, est sa femme, qui exerce, elle aussi, cette profession. Le traître l’a dessinée telle quelle, très ressemblante. Elle a simplement changé de coiffure depuis pour ne plus être reconnue dans la rue.
Toujours enclin à exercer deux métiers à la fois, Laudec a voulu lancer une seconde série au climat plus réaliste, « Taxi-Girl », également scénarisée par Cauvin. Malgré l’assistance de Michel Chantraine pour les remarquables décors parisiens, il n’a pu en terminer à ce jour que deux albums. Comme bien d’autres collègues, il est désormais contraint, sous la pression des lecteurs, de se consacrer au personnage que réclame le public.