Il étudie l’art décoratif et la publicité à l’Institut Saint-Luc de Liège. Un voisin dessinateur, Jacques Martin, vient régulièrement acheter sa brillantine au salon de coiffure des parents du jeune homme. En 1950, le volubile visiteur mentionne qu’il cherche un assistant pour la période de vacances. À défaut d’en connaître un, Leloup se propose pour réaliser ses coloriages.
C’est ainsi qu’il commence à travailler sur les histoires d' »Alix » dans « L’Île maudite ». La commande passée à Hergé de chromos techniques pour la série « Voir et savoir » va le lancer dans ses premiers essais professionnels de dessins pour « L’Histoire de l’Aviation » et celle de l’automobile où Jacques Martin est engagé pour diriger la partie technique. Leloup fignole au crayon les engins que le dessinateur repasse à l’encre avant que le maître d’oeuvre y ajoute le personnage de « Tintin » en costume de circonstance.
Hergé juge rapidement plus pratique de regrouper à Bruxelles ses petites mains. Le 15 février 1953, Leloup entre au studio Hergé où il travaillera sur les décors d’Alix de « La Griffe noire » jusqu’à la première case d' »Iorix le Grand ». Hergé lui réclame surtout des dessins techniques ou de décoration très précise, comme la gare de Genève-Cointrin dans « L’Affaire Tournesol », la chaise roulante du capitaine Haddock dans « Les Bijoux de la Castafiore », des autos, des motos, des chars, la conception de l’avion de Carreidas et de tous ceux de la nouvelle version de « L’Île noire », des chroniques sur le modélisme, etc.
Quinze ans de ce régime lui donnent envie de lancer sa propre série. Il rencontre Peyo et dessine quelques Schtroumpfs d’essai, mais son style le dirige plus vers l’aventure et le réalisme. Il assiste alors Francis sur un épisode de « Jacky et Célestin » et envisage un nouveau scénario pour ceux-ci, qu’il retravaillera ultérieurement pour une histoire de Yoko, « L’araignée qui volait ».
Durant la soirée de Noël 1968, il esquisse en effet pour la première fois une jeune héroïne asiatique qu’il voudrait introduire dans une éventuelle reprise de « Jacky et Célestin ». Le projet tombe à l’eau et il décide de la développer avec deux faire-valoir masculins, Vic et Pol, pour remplacer le duo initial Jacky et Célestin. À la veille de Noël 1969, l’éditeur donne son feu vert et « Yoko Tsuno » entame sa carrière dans SPIROU le 24 septembre 1970.
Le 31 décembre 1969, Leloup quitte le studio Hergé pour se consacrer entièrement au développement de la série et, depuis, Yoko n’a plus guère quitté son coeur et son esprit. Il en parle comme si elle vivait constamment à ses côtés et a composé un roman pour évoquer sa jeunesse (« L’écume de l’aube », publié en 1991 dans la collection « Travelling » des Éditions Duculot, reprise par la suite par Casterman). Peu auparavant, Roger Leloup s’était essayé à un premier roman de science-fiction (« Le Pic des ténèbres », également dans « Travelling ») où apparaît une fort jolie androïde, la très efficace Tyo. Le très convoité Grand Prix de la Jeunesse SF lui sera attribué en 1990.
Roger Leloup est vraiment un auteur complet, aussi doué dans l’écriture que le dessin. À ses débuts, rendu méfiant par l’expérience, Charles Dupuis l’avait prié de solliciter l’aide de Tillieux pour ses scénarios et dialogues. Après avoir vu deux courtes histoires complètes proposées par son solliciteur et où il n’avait pu placer qu’un bon mot ici ou là, par pure courtoisie, le maître scénariste avait jugé sa supervision totalement superflue.
Leloup est un pur élève perfectionniste de l’école Hergé et il prend le temps de remettre cent fois sur le chantier ses découpages, ne développant une de ses nombreuses idées de réserve qu’une fois totalement mûre à ses yeux.