C’est à Courtrai, le 1er décembre 1923, qu’est né Maurice De Bevere, dit « Morris », l’un des pères fondateurs de la bande dessinée.
Après le baccalauréat et des études de droit, il suit les cours de dessin de Jean Image, où il apprend aussi la technique de l’animation. Peu après, il entre à la Compagnie belge d’actualités, studio de dessins animés où il fait la connaissance d’André Franquin, d’Eddy Paape et de Peyo.
En 1945, il est sollicité pour illustrer ‘Le Moustique‘ ; il réalisera pas moins de 250 couvertures de ce journal humoristique !
C’est à cette époque qu’il décide de choisir le pseudonyme de Morris pour scénariser et dessiner les premières aventures pleines d’humour de Lucky Luke. Celles-ci paraissent pour la première fois – sous le titre « Arizona 1880 » – dans l’‘Almanach Spirou 1947′ [vérifier : « l’‘Almanach 1947′, hors-série du magazine ‘Spirou’ » ?].
Lucky Luke – cow-boy solitaire au grand coeur et justicier aussi imperturbable que sympathique – est accompagné de son inséparable monture, le sage Jolly Jumper, et du chien le plus stupide de l’Ouest, Rantanplan. Autour d’eux, Morris crée toute une série de personnages pittoresques auxquels il mêle des grandes figures de l’Ouest américain : les quatre Dalton, bêtes et méchants, Billy the Kid, le juge Roy Bean, Calamity Jane, ainsi que d’autres personnalités historiques, comme l’illustre actrice Sarah Bernhardt.
« Lucky Luke » se place très vite aux tout premiers rangs des incontournables de la bande dessinée internationale, grâce au graphisme simple, expressif et combien efficace de son créateur.
Entre 1948 et 1955, Morris sillonne les États-Unis avec ses amis Franquin et Jijé (Joseph Gillain). Il y fréquente aussi les spécialistes de la bande dessinée parodique du magazine ‘Mad’ : Harvey Kurtzman, Jack Davis et Wallace Wood. À New York, il rencontre René Goscinny qu’il s’adjoint comme scénariste à son retour en Europe. Ces deux monstres sacrés du neuvième art vont travailler ensemble avec passion jusqu’à la disparition de Goscinny, en 1977.
Une vingtaine de scénaristes seconderont ensuite Morris, et, à ce jour, les aventures de Lucky Luke réunissent près de 90 albums, traduits en une trentaine de langues et tirés à plusieurs centaines de millions d’exemplaires.
Morris entretient une passion dévorante pour le cinéma ; en 1971, dans « Daisy Town » (studio Belvision, Bruxelles), il la partage pour la première fois avec Lucky Luke, et cela avec la complicité de Goscinny, de Pierre Tchernia et du compositeur Claude Bolling.
D’autres longs-métrages suivent : « La Ballade des Dalton » (studio Idéfix, Paris), en 1978, et « Les Dalton en cavale » (Hanna-Barbera Productions, Los Angeles), en 1983. En 1984, une série de 26 dessins animés de vingt-six minutes, imaginés à partir des albums de « Lucky Luke », est produite pour la télévision par Gaumont, Hanna-Barbera et France 3. En 1991, Dargaud Films, IDDH et France 3 sortent une seconde série de 26 épisodes, tandis que Terence Hill incarne le cow-boy solitaire dans dix films.
La notoriété croissante de « Lucky Luke » conduit à la fabrication de produits dérivés dont la variété prospère de jour en jour : peluches, puzzles, jouets, vêtements, chaussures, articles scolaires, montres, figurines… Avec les personnages de son univers, Rantanplan et les Dalton, Lucky Luke se retrouve fréquemment au coeur de campagnes publicitaires, de lignes de produits et d’adaptations dans le multimédia.
En 1987, Morris crée « Rantanplan », une série dont les premiers épisodes sont scénarisés par Jean Léturgie et Xavier Fauche.
En 1990, il fonde Lucky Productions, aujourd’hui devenu Lucky Comics dans le cadre d’un partenariat avec les éditions Dargaud.
Titulaire de nombreuses distinctions, Morris est particulièrement fier de la médaille que l’Organisation mondiale de la santé lui remet à Genève en 1988, pour avoir enlevé à Lucky Luke sa sempiternelle cigarette.
Autre hommage exceptionnel : le 27 juin 1992, l’académie des Grands Prix lui décerne le grand prix spécial 20e anniversaire du Salon international de la bande dessinée d’Angoulême. La consécration par ses pairs !
C’est donc tout naturellement lui qui, en 1996, préside les manifestations internationales du Centenaire de la bande dessinée, d’autant plus que, polyglotte accompli, il peut s’exprimer dans au moins sept langues.
Le cinquantenaire de Lucky Luke, en 1997, est célébré en France, en Belgique, en Suisse, comme en Allemagne, au Portugal et dans les pays scandinaves, par une multitude d’animations qui trouvent leur couronnement à Paris le 10 septembre 1997 : cinquante ans jour pour jour après que Morris a créé le dessin emblématique du « lonesome cow-boy » qui s’éloigne vers le soleil couchant.
Le 20 octobre 1998, le ministre français de la Culture et de la Communication nomme Morris au grade d’officier de l’ordre des Arts et des Lettres.
Enfin, n’oublions pas que l’appellation « neuvième art » pour désigner la bande dessinée lui revient, comme l’expression « plus vite que son ombre », aujourd’hui passée dans le langage courant.
Morris s’éteint le 17 juillet 2001, à l’âge de 77 ans.