Si Bill a la chance d’être né avec des oreilles magiques, Roba, lui, est né avec un crayon à la main. Amoureux du dessin depuis l’enfance, il n’a jamais imaginé faire autre chose.
À 3 ans, il dessine à l’envers, tête en bas. À 11 ans, il suit les cours du soir de l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. À 16 ans, il débute dans la publicité. À l’époque, on dit la réclame, un mot aujourd’hui délicieusement suranné. Il possède déjà la plupart des techniques de dessin et d’impression : du lavis à la gravure en passant par la retouche photographique. À la sortie de son service militaire, en 1952, il entre dans un studio spécialisé dans le dessin publicitaire. Sa voie semble toute tracée.
C’est Franquin qui détourne finalement le jeune Roba de la publicité. Entré en 1957 chez Dupuis, Roba fait d’abord un peu de tout (sauf le café, il a déjà trop de talent !). Illustration d’un conte de Noël signé Peyo, crayonnés pour deux Histoires de l’Oncle Paul, et même, premières histoires complètes de « Tiou le Petit Sioux ». Il réalise parallèlement quelques illustrations pour le magazine « Bonne Soirée », également édité par Dupuis. André Franquin apprécie sa patte et l’appelle auprès de lui. Nous sommes en 1958. Pour Jean Roba, l’heure d’une seconde naissance ! Franquin lui apprend les ficelles du métier et l’embarque dans trois aventures de Spirou et Fantasio : Tembo Tabou, Les Hommes Bulles et Les Petits Formats.
Et puis vient le « Spirou » 1132 du 24 décembre 1959. Six semaines après avoir réalisé un puzzle avec ses nouveaux héros pour le journal, Roba leur offre une première aventure. Boule contre les mini-requins voit l’apparition officielle du cocker et de son jeune maître, un garçon du nom de Boule, salopette bleue, T-shirt jaune.
Rosy, directeur artistique du journal, accepte de donner un coup de main à Roba pour le découpage. Mais très vite, le dessinateur de Boule et Bill n’a plus besoin de personne. Après une seconde histoire complète, il se lance, comme son maître André Franquin, dans le suprême défi du gag hebdomadaire. Ce qui ne l’empêche pas de faire vivre d’autres héros, à l’occasion : « Pomme » en 1962, et surtout, La Ribambelle, de 1965 à 1984 (six albums parus)
Pendant plus de quarante ans, Jean Roba continue à dessiner Boule et Bill avec le même talent et la même humilité. En 2003, il passe le relais à Laurent Verron son ancien assistant. Il peut alors se consacrer aux dessins personnels et à l’aquarelle.
24 albums chez Dupuis, avant de décider en 1987 de passer chez Dargaud. Et à chaque nouveau recueil, le succès, comme une évidence. Parce que, citoyen du pays de l’enfance, Jean Roba parle avec le coeur. Parce que, dessinateur hors pair, il invente le monde avec un crayon. Parce que Boule et Bill, inspirés de son propre fils et de son cocker ne pouvaient pas sonner faux. Il est fait chevalier des arts et des lettres en 1992.
L’artiste s’éteint à l’âge de 75 ans, en juin 2006.